La notification fictive d’une ordonnance pénale (art. 85 al. 4 let. a CPP)

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ATF 142 IV 286TF, 27.07.2016, 6B_110/2016*

Faits

Un automobiliste provoque un accident le 30 août 2013. Suite à l’ouverture de la procédure pénale, le ministère public adresse en février 2014 un courrier à l’automobiliste pour réunir certaines informations médicales. Le ministère public rend une ordonnance pénale contre l’automobiliste le 22 mai 2014 pour infraction à l’art. 91 LCR (art. 352 CPP).

Une tentative infructueuse de notification de l’ordonnance pénale par lettre signature a lieu le 23 mai 2014. Lors de cette tentative, la Poste dépose une invitation à retirer l’envoi dans la boite aux lettres de l’automobiliste. Celui-ci ne retire pas l’ordonnance pénale.

L’automobiliste prend connaissance de l’ordonnance pénale le 13 juin 2014 et s’y oppose le 14 juin 2014. Les instances cantonales considèrent que l’ordonnance pénale a été notifiée de manière fictive et par conséquent, déclarent l’opposition tardive et la condamnation en force.

L’automobiliste forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la notification fictive de l’ordonnance pénale est valablement intervenue.

Droit

Selon l’art. 354 al. 1 CPP, l’opposition contre l’ordonnance pénale doit être formée dans les dix jours. Si le dernier jour du délai est un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 90 al. 2 CPP).

L’art. 85 al. 4 let. a CPP prévoit qu’un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n’a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s’attendre à une telle remise.

Celui qui se sait partie à une procédure doit s’attendre à recevoir des actes judiciaires. Ainsi, le prévenu est tenu de relever son courrier en principe pendant toute la durée du procès. À défaut, il est réputé avoir eu, à l’échéance du délai de garde de sept jours, connaissance du contenu des plis recommandés que l’autorité lui adresse.

Le Tribunal fédéral indique néanmoins que l’obligation de relever son courrier ne perdure pas indéfiniment. En effet, on ne peut pas exiger du prévenu qu’il reste en tout temps atteignable lorsque la procédure est particulièrement longue et que l’autorité fait preuve d’inactivité. Dans un tel cas, la notification fictive d’un acte prévue à l’art. 85 al. 4 let. a CPP n’intervient pas.

En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que l’automobiliste aurait dû s’attendre à recevoir des actes judiciaires. En effet, le ministère public n’a pas fait preuve d’inactivité durant une longue période, sachant qu’il a envoyé un courrier à l’automobiliste en février 2014, trois mois avant de rendre l’ordonnance pénale le 22 mai 2014. Ainsi, la notification fictive est valable, car l’automobiliste devait s’attendre à la remise de l’ordonnance pénale.

En l’occurrence, la tentative infructueuse de notification par lettre signature de l’ordonnance pénale a eu lieu le 23 mai 2014. L’acte est ainsi réputé notifié sept jours plus tard, soit le 30 mai 2014 (art. 85 al. 4 let. a CPP). Le délai de dix jours commence à courir le 31 mai 2014 et arrive à terme le 9 juin 2014 (art. 354 al. 1 CPP). Le dernier jour du délai étant lundi de Pentecôte, qui est un jour férié, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit, soit le 10 juin 2014 (art. 90 al. 2 CPP).

Partant, l’opposition formée par l’automobiliste le 14 juin 2014 est tardive. Le Tribunal fédéral rejette donc son recours sur ce point.

Dans un autre grief, l’automobiliste soutient que l’ordonnance pénale n’a pas pu lui être valablement notifiée, car il ne pouvait savoir que le courrier qui lui était adressé émanait du ministère public. En effet, seule l’enveloppe contenant l’ordonnance pénale désigne le ministère public comme expéditeur. Or, l’automobiliste a seulement eu connaissance de l‘invitation à retirer l’envoi déposé par la Poste dans sa boite aux lettres. L’invitation à retirer ne désigne pas le ministère public comme expéditeur.

Le Tribunal fédéral admet que pour qu’une notification fictive d’un acte judiciaire soit valable, il faut que le destinataire puisse reconnaître sur l’enveloppe de l’acte en question quelle est l’autorité expéditrice (art. 5 al. 3 Cst.).

Toutefois, il suffit en l’espèce selon le Tribunal fédéral que le ministère public se désigne comme tel seulement sur l’enveloppe de l’ordonnance pénale. Il n’est pas nécessaire de remplir cette exigence en ce qui concerne l’invitation à retirer l’envoi déposé par la Poste dans la boite aux lettres de l’automobiliste (cf. art. 85 al. 2 CPP). En effet, celui-ci n’avait qu’à retirer l’ordonnance pénale auprès de la Poste dans le délai de sept jours pour savoir que celle-ci émanait du ministère public.

Partant, la notification fictive est également valable sur ce point. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La notification fictive d’une ordonnance pénale (art. 85 al. 4 let. a CPP), in : www.lawinside.ch/302/