L’ordonnance pénale rendue par le collaborateur du ministère public (art. 17 CPP)

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ATF 142 IV 70TF, 01.02.2016, 6B_845/2015*

Faits

Par ordonnance pénale prise au nom du Ministère public de Bâle-Campagne, un collaborateur du Ministère public condamne un prévenu pour une contravention.

Sur opposition du prévenu, le président du Tribunal pénal confirme l’ordonnance pénale. Sur recours du prévenu, le Kantonsgericht casse la décision de l’instance précédente et renvoie l’affaire au tribunal pénal. Il a estimé que le collaborateur du Ministère public n’était pas compétent pour rendre une ordonnance pénale.

Contre cette décision, le Ministère public forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher la question de savoir si le collaborateur du Ministère public était compétent pour rendre une ordonnance pénale en matière de contravention.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que la compétence pour rendre une ordonnance pénale revient en principe au ministère public (art. 352 CPP). En vertu de l’art. 17 al. 1 CPP, les cantons peuvent déléguer tout ou partie de la poursuite du jugement de contraventions à des autorités administratives. Les cantons sont libres de désigner l’autorité administrative de leur choix (p. ex. préfet, juge de police, etc.). Contrairement à la position du Ministère public, le Tribunal fédéral considère que cette désignation doit reposer sur une base légale au sens formel.

En vertu du § 12 al. 1 de la loi d’application du code de procédure pénale du canton de Bâle-Campagne (LaCPP), les chargés d’enquête peuvent, en tant que collaborateurs du ministère public, prendre des actes d’instruction sous la direction du procureur. En vertu du § 19i al. 2 du règlement de service du Canton de Bâle-Campagne, le premier procureur peut autoriser des chargés d’enquête ou des collaborateurs spécialisés à rendre des ordonnances pénales en matière de contravention sous la responsabilité du ministère public.

Le Tribunal fédéral considère que le § 19i al. 2 du règlement n’est pas valable, car il ne repose pas sur une base légale au sens formel, faute de délégation législative. Le § 12 al. 1 LaCPP constitue certes une loi au sens formel. Toutefois, cette disposition ne fait pas usage de la faculté que l’art. 17 al. 1 CPP laisse aux cantons de désigner une autorité administrative pour la poursuite des contraventions, mais de la faculté laissée aux cantons par l’art. 311 al. 1 2ème phr. CPP de permettre aux procureurs de confier des actes d’instruction particuliers à leurs collaborateurs. L’art. 311 CPP vise uniquement la délégation de certains actes d’instruction particuliers. Contrairement à l’art. 17 al. 1 CPP, il ne permet pas aux procureurs de déléguer à leurs collaborateurs la compétence de prendre des mesures essentielles, tels que des mesures de contrainte, un classement d’une procédure ou une condamnation par ordonnance pénale.

Partant, le collaborateur du Ministère public n’était pas compétent pour rendre l’ordonnance pénale, dès lors que le règlement qui lui attribuait cette compétence ne reposait pas sur une base légale au sens formel. L’ordonnance pénale est donc nulle.

Le Tribunal fédéral s’arrête sur la question de savoir si l’art. 17 al. 1 CPP permet de manière générale à un canton de désigner un collaborateur du ministère public comme autorité administrative compétente en matière de contravention. Il retient que l’art. 17 al. 1 CPP ne mentionne que la possibilité de déléguer la compétence à une autorité administrative, et non pas à un fonctionnaire. Par autorité administrative, on entend généralement une autorité qui est distincte du ministère public. Toutefois, le Tribunal fédéral retient que le but de l’art. 17 al. 1 CPP est de permettre aux cantons de maintenir leur organisation en matière de poursuite des contraventions telle qu’en vigueur avant l’entrée en vigueur du CPP. Ainsi, l’art. 17 al. 1 CPP permet aux cantons de déléguer librement la compétence de poursuite des contraventions à une autorité administrative ou à un fonctionnaire. Partant, les cantons peuvent valablement désigner dans une loi au sens formel un collaborateur du ministère public comme autorité administrative au sens de l’art. 17 al. 1 CPP.

En l’espèce, une loi au sens formel fait défaut. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours du Ministère public et confirme la décision de l’instance cantonale qui casse l’ordonnance pénale pour défaut de compétence.

Proposition de citation : Alborz Tolou, L’ordonnance pénale rendue par le collaborateur du ministère public (art. 17 CPP), in : www.lawinside.ch/181/