Entrées par Quentin Cuendet

Le prononcé de l’exequatur dans le cadre d’une requête de séquestre

TF, 18.01.2023, 5A_428/2022*

Même en l’absence de conclusions spécifiques dans ce sens, la force exécutoire d’un jugement « Lugano » peut être constatée dans le cadre d’une requête de séquestre fondée sur l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP.

Faits

En 2012, le Tribunal de Grande Instance de Colmar (France) condamne notamment un débiteur à s’acquitter d’un montant de EUR 100’000.- envers un créancier. Ce jugement est infirmé par arrêt de la Cour d’appel de Colmar, lui-même partiellement cassé et annulé par un arrêt de 2017 de la Cour de cassation. Celle-ci confirme notamment la condamnation du débiteur à payer un montant de EUR 100’000 et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Nancy (France).

Le 8 juillet 2021, le Tribunal judiciaire de Colmar établit un certificat au sens de l’art. 54 de la Convention de Lugano (« CL »). Le 12 novembre 2021, le créancier requiert le séquestre de la part saisissable de la rémunération du débiteur auprès de son employeur, une société domiciliée dans le canton de Genève, à concurrence de CHF 106’842,87. Il produit notamment le jugement et les arrêts précités ainsi que le certificat au sens de l’art. 54 CL, mais ne prend pas de conclusions formelles en prononcé de l’exequatur.… Lire la suite

Indemnité du défenseur d’office : interdiction de la reformatio in pejus ?

26.01.2023, 6B_1362/2021*

La réduction par l’autorité de recours de l’indemnité allouée au défenseur d’office en première instance viole l’interdiction de la reformatio in pejus.

Faits

Le Ministère public cantonal vaudois Strada désigne deux avocats comme défenseurs d’office de deux prévenus. Dans son jugement, le Tribunal de police fixe leurs indemnités respectives à CHF 5’327,90. La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette les recours des avocats contre leurs indemnités, réduit le montant alloué en première instance et fixe à CHF 2’304,35 le montant de leurs indemnités respectives pour la procédure d’appel.

L’un des avocats saisit le Tribunal pénal fédéral, qui transmet le recours au Tribunal fédéral comme objet de sa compétence. Celui-ci est notamment amené à examiner pour la première fois la question de l’interdiction de la reformatio in pejus à l’indemnité allouée au défenseur d’office.

Droit 

Le Tribunal fédéral commence par souligner que lorsque l’indemnité est fixée par une autorité de première instance dont la décision fait ensuite l’objet d’un recours, on ne se trouve pas dans l’hypothèse de l’art. 135 al. 3 let. b CPP qui prévoit un recours au Tribunal pénal fédéral. C’est donc le Tribunal fédéral qui est compétent en l’espèce (ATF 140 IV 213).… Lire la suite

Sources publiques, sources privées

TF, 08.12.2022, 5A_420/2022*

Il appartient aux cantons de déterminer dans quels cas, en dérogation au principe de l’accession, les sources et cours d’eau sont considérés comme publics au sens de l’art. 664 al. 1 CC. Une source reste toutefois privée (art. 704 al. 1 CC) lorsqu’elle ne forme pas immédiatement un cours d’eau.   

Faits

Les copropriétaires d’une parcelle située dans la commune de Brigue-Glis font constater par le Tribunal de district de Brigue qu’ils sont propriétaires d’une source qui en jaillit. Sur appel de la commune, le Tribunal cantonal valaisan annule le jugement de première instance et constate que la source litigieuse appartient au domaine public.

Les copropriétaires recourent au Tribunal fédéral, qui est amené à clarifier les conditions auxquelles une source peut être qualifiée de publique.

Droit

En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe une partie intégrante des fonds desquels elles jaillissent. En règle générale, la propriété du fonds s’étend donc aux sources (art. 667 al. 2 et 704 al. 1 CC). En revanche, aux termes de l’art. 664 al. 2 CC, les eaux publiques ne font, sauf preuve contraire, pas l’objet d’une propriété privée.… Lire la suite

Le sort des prétentions contractuelles invoquées en procédure pénale

TF, 15.08.2022, 6B_1310/2021*

La notion de conclusions civiles au sens des art. 122 ss CPP vise uniquement les prétentions qui peuvent se déduire d’une infraction pénale, ce qui exclut les prétentions contractuelles.

Faits

Un prévenu est acquitté des chefs d’abus de confiance et d’escroquerie par le Tribunal de police genevois, puis par la Chambre pénale d’appel et de révision. Devant ces deux instances, il est néanmoins condamné à payer divers montants aux parties plaignantes à titre de dommages-intérêts.

Le prévenu introduit un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est amené pour la première fois à déterminer si la notion de conclusions civiles inclut également les prétentions contractuelles.

Droit  

Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’un jugement d’acquittement peut aussi bien aboutir à la condamnation d’un prévenu sur le plan civil qu’au déboutement de la partie plaignante, notamment selon que l’état de fait est considéré comme suffisamment établi (art. 126 al. 1 let. b et al. 2 let. d CPP).

Lorsque l’acquittement résulte de la non-réalisation d’un élément constitutif de l’infraction, la partie plaignante doit en principe être renvoyée à agir par la voie civile. Le juge pénal peut néanmoins statuer sur les conclusions civiles lorsque l’élément constitutif subjectif de l’infraction fait défaut mais que le comportement reproché au prévenu constitue un acte illicite au sens de l’art.Lire la suite

Changement d’étude : pas de conflit d’intérêts sans connaissance effective du dossier

TF, 06.05.2022, 5A_407/2021

Il n’existe pas de conflit d’intérêts justifiant une interdiction de postuler du seul fait qu’un·e avocat·e ayant effectué son stage au sein d’une étude devient collaborat·eur·rice d’une autre étude qui représente une partie adverse de la première.

Faits

Le Tribunal de première instance du canton de Genève prononce le divorce de deux époux. Contre ce jugement, l’ex-mari introduit un appel devant la Chambre civile de la Cour de justice, puis un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.

Au stade de la procédure devant le Tribunal fédéral, l’ex-épouse intimée requiert qu’il soit constaté que le recourant n’est pas valablement représenté. En effet, l’acte de recours a été signé par une collaboratrice ayant effectué son stage d’avocate au sein de l’étude de l’avocate de l’intimée. Selon l’intimée, il ne peut pas être exclu que la collaboratrice concernée ait pris connaissance du dossier durant son stage.

Droit  

Le Tribunal fédéral rappelle que, dans le cadre d’une procédure pendante, l’autorité qui doit statuer sur la capacité de postuler de l’avocat·e d’une partie est le tribunal compétent au fond ou un·e membre de ce tribunal (ATF 147 III 351, résumé in : LawInside.ch/1058). Le Tribunal fédéral est donc compétent en l’espèce.… Lire la suite