La prescription applicable à la violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP)

ATF 149 IV 240 | TF, 17.04.2023, 6B_782/2022*

S’agissant de la prescription applicable à l’infraction de violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP), le Tribunal fédéral admet une unité juridique d’actions. Bien que les faits en question aient été commis à la fois sous l’empire de l’ancien et du nouveau droit, le Tribunal fédéral retient un délai de prescription de dix ans, également par souci de cohérence avec la solution retenue en cas de délit continu.

Faits

Par jugement du 17 septembre 2021, le Tribunal de police de l’Est vaudois condamne un homme à une peine privative de liberté de neuf mois, avec sursis pendant deux ans, pour violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP). Il lui est reproché d’avoir, entre août 2008 et fin 2014, sérieusement mis en danger le développement physique et psychique de ses enfants nés en 2008, et ainsi d’avoir manqué à son devoir de les assister ou de les élever.

La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette l’appel du condamné. Ce dernier exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’infraction de violation du devoir d’assistance ou d’éducation était réalisée et se prononcer sur la prescription applicable.… Lire la suite

Le refus de transmission des photographies d’enfants à leur père incestueux en détention

ATF 149 I 161 | TF, 30.03.2023, 6B_1206/2021*

Il n’est pas contraire au droit fédéral qu’une autorité d’exécution d’une sanction pénale prenne certaines mesures aux fins de la protection de la personnalité d’enfants victimes d’infractions graves, pourvu que ces mesures n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

Faits

Un homme est reconnu coupable, notamment, d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle aggravée, de viol aggravé, de pornographie et d’inceste. Le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois le condamne à une peine privative de liberté de 18 ans.

La direction de la prison où le condamné purge sa peine l’informe avoir saisi trois courriers envoyés par sa mère et son frère, contenant de nombreuses photographies représentant des enfants, vraisemblablement les siens, soit des victimes pénales.

La direction de la prison précise par la suite dans une décision que les photographies seraient transmises au condamné en cas d’accord écrit de chaque victime pénale y figurant, respectivement de chaque curateur·ice muni·e d’un mandat de protection en leur faveur. Peu après, l’Office d’exécution des peines (OPE) interdit au condamné de prendre contact avec sa femme et ses enfants.

Sur recours, la Cheffe du Service pénitentiaire vaudois (SPEN) confirme la décision de la direction de la prison, de même que la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois.… Lire la suite

La violation par dol éventuel du secret bancaire par l’avocat

TF, 26.01.2023, 6B_899/2021

Un avocat qui produit – dans le cadre d’une procédure prud’homale – un document sans le lire intégralement, envisage et accepte qu’il pourrait contenir des informations soumises à un secret. Il agit ainsi par dol éventuel, ce qui suffit pour réaliser l’élément subjectif de l’art. 47 al. 1 let. c LB (violation du secret bancaire). 

Faits

Dans le cadre d’une procédure prud’homale opposant une banque contre un ancien employé, ce dernier fournit à son avocat un document de 6 pages intitulé “US-Exit-Report”. L’avocat produit ce document en justice sans le lire dans son intégralité, en partant du principe que son client a déjà caviardé les éventuelles données couvertes par le secret bancaire. Or les pages 4 et 5 de ce document contiennent des données soumises au secret bancaire, notamment des noms, des numéros de compte, et des soldes des comptes de clients que le mandant n’a pas caviardées.

Le Bezirksgericht de Zurich condamne l’avocat pour violation du secret bancaire (art. 47 al. 1 let. a et c LB). Toutefois, l’Obergericht zurichois l’acquitte, estimant qu’il dispose d’un motif justificatif au sens de l’art. 14 CP.

Saisi d’un recours du Ministère public zurichois, le Tribunal fédéral considère que l’avocat ne dispose pas de motif justificatif (cf.… Lire la suite

L’expulsion inadmissible d’un ressortissant étranger vers un [quelconque] pays tiers

ATF 149 IV 231 | TF, 06.03.2023, 6B_627/2022*

Le Tribunal fédéral annule l’expulsion d’un ressortissant tibétain, prononcée « vers un Etat tiers, à l’exception de la République populaire de Chine ». Une telle expulsion est contraire au droit fédéral, dès lors qu’il n’a pas été établi que l’intéressé disposait effectivement d’un droit de séjour dans un autre Etat.

Faits

Un ressortissant tibétain, arrivé en Suisse à l’âge de douze ans avec sa famille, est au bénéfice d’un permis F, soit d’une admission provisoire en qualité de réfugié à qui l’asile n’a pas été accordé.

Par jugement du 19 mai 2021, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne le condamne, notamment pour agression et brigandage, à une peine privative de liberté et à une amende. Il renonce cependant à prononcer son expulsion (art. 66a al. 2 CP). Sur appel du Ministère public vaudois, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois prononce l’expulsion du condamné pour une durée de huit ans, vers un pays tiers, à l’exception de la République populaire de Chine.

Le condamné exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si cette expulsion est possible.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que les obstacles à l’expulsion, au sens de l’art.Lire la suite

CourEDH : La condamnation pénale d’un lanceur d’alerte viole son droit à la liberté d’expression (art. 10 CEDH)

CourEDH, 14.02.2023, Affaire Halet c. Luxembourg, requête no 21884/18

La condamnation pénale d’un lanceur d’alerte des “LuxLeaks” viole sa liberté d’expression (art. 10 CEDH) car la mesure n’est pas nécessaire dans une société démocratique au sens de l’art. 10 par. 2 CEDH. En effet, l’intérêt public lié à la divulgation des informations en cause l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables, soit le préjudice financier et réputationnel de l’employeur, l’intérêt public à prévenir et à sanctionner le vol, et le respect du secret professionnel. 

Faits

Un employé français travaille pour une société d’audit et de conseil, dont l’activité consiste notamment à établir des déclarations fiscales au nom et pour le compte de ses clients et à demander auprès des administrations fiscales des décisions fiscales anticipées (ou “rulings fiscaux”).

Entre 2012 et 2014, plusieurs centaines de déclarations fiscales établies par la société de conseil sont publiées dans différents médias. Ces publications mettent en lumière une pratique, s’étendant de 2002 à 2012, d’accords fiscaux très avantageux passés entre la société de conseil pour le compte de sociétés multinationales et l’administration fiscale luxembourgeoise (affaire dite “LuxLeaks”).

Il s’avère que ces documents confidentiels ont été copiés par un employé de la société de conseil et transmis à un journaliste à la demande de celui-ci.… Lire la suite