Secret professionnel et séquestre de la correspondance d’avocats extracommunautaires

ATF 147 IV 385 | TF, 22.06.2021, 1B_333/2020*

En vertu de l’art. 264 al. 1 let. d CPP, les objets et les documents concernant des contacts entre une  personne non prévenue et son avocat ne peuvent pas être séquestrés. Cette protection n’est toutefois conférée qu’à la correspondance des avocats autorisés à exercer en vertu de la LLCA (ressortissants CH/UE/AELE), mais non à celle des avocats extracommunautaires (hors CH/UE/AELE). 

Faits

Le 2 juillet 2013, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une procédure pénale contre un individu et contre inconnu pour blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis CP) et corruption de fonctionnaires étrangers (art. 322septies CP). Trois ans plus tard, il ordonne la perquisition des locaux d’une société genevoise, tierce à la procédure. Plusieurs documents, enregistrements et données électroniques sont séquestrés.

Sur demande de la société, certaines données électroniques sont mises sous scellés. Le MPC requiert la levée des scellés auprès du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc). La société s’y oppose en faisant valoir que certaines de ces données sont protégées par le secret professionnel des avocats en vertu de l’art. 264 al. 1 let. d CPP.… Lire la suite

Affaire Petrobras : proportionnalité de la confiscation et compatibilité avec l’accord de coopération (1/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.

Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite

La zone réservée et le contrôle incident de la planification (art. 21 al. 2 LAT)

TF, 07.05.2021, 1C_206/2020

Le contrôle incident du plan d’affectation dans une procédure d’autorisation de construire est en principe exclu. Ce contrôle est toutefois admis lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées au sens de l’art. 21 al. 2 LAT. Le surdimensionnement de la zone à bâtir ne suffit pas à lui seul pour justifier le contrôle incident de la planification. Il faut que s’y ajoutent d’autres circonstances. Le fait que le règlement de la zone réservée autorise certaines constructions ne s’oppose pas au contrôle incident de la planification.

Faits

Le propriétaire d’une parcelle dans la commune de Founex sollicite l’octroi d’un permis de construire pour deux complexes d’habitation. La parcelle est colloquée en zone “village ou hameau” selon le plan des zones adopté en 1979. Le projet est mis à l’enquête publique et fait l’objet de plusieurs oppositions.

En raison du surdimensionnement de la zone à bâtir de la commune, la municipalité de Founex soumet à l’enquête publique une zone réservée communale (art. 46 LATC-VD) couvrant toutes les zones à bâtir de la commune. La zone réservée couvre la parcelle sur laquelle sont prévus les complexes d’habitation. L’art. 3 du règlement de la zone réservée (RZR) prévoit que «  tout permis de construire dont la mise à l’enquête publique a débuté avant la mise à l’enquête publique de la zone réservée peut être délivré ».… Lire la suite

La récusation d’un expert

TF, 30.09.2021, 4A_155/2021*

Le terme “tribunal” utilisé aux art. 50 al. 1 et 183 al. 1 CPC ne vise pas forcément le tribunal en tant qu’autorité collégiale. Sur la base de l’art. 124 al. 2 CPC, une juge déléguée peut donc nommer un expert et se prononcer en même temps sur les motifs de récusation invoqués à son encontre par l’une des parties. Il s’agit alors d’une ordonnance d’instruction au sens de l’art. 154 CPC.

Par ailleurs, même s’il semble qu’un expert ne doit pas se récuser, celui-ci doit être invité par le tribunal à se déterminer sur la demande de récusation au sens de l’art. 49 al. 2 CPC (applicable par analogie à la récusation d’un expert), à moins que la demande de récusation soit abusive ou manifestement infondée.

Faits

Un bureau d’architecte et une commune sont en litige devant le Tribunal civil de la Sarine à Fribourg pour des prétentions découlant d’un contrat d’architecte. Lors des débats d’instruction, la présidente du Tribunal qui est chargée de l’instruction désigne un expert pour mener deux expertises. Ce dernier décline toutefois le mandat.

La juge d’instruction invite alors le bureau d’architecte et la commune à soumettre leurs propositions pour la nomination de trois experts.… Lire la suite

L’exploitabilité des échanges privés de l’employé

TF, 25.08.2021, 4A_518/2020

Les échanges privés d’un employé obtenus en portant atteinte à sa personnalité sont exploitables uniquement si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant (art. 152 al. 2 CPC). Tel n’est pas le cas lorsque les échanges sont manifestement privés et que l’employeuse a gravement violé les droits de la personnalité de l’employé.

Faits

En septembre 2013, une société qui exploite des centres de formation linguistique engage un employé comme directeur des opérations. Elle lui remet un téléphone qu’il doit utiliser exclusivement à des fins professionnelles.

En septembre 2016, les relations entre l’employé et le directeur général se dégradent. En novembre, la société résilie le contrat de travail. L’employé rend son téléphone après l’avoir préalablement réinitialisé. Il forme opposition contre le congé qu’il estime abusif.

En décembre 2016, après que l’employé est tombé en dépression, et qu’il est donc en incapacité de travailler, la société résilie le contrat avec effet immédiat pour rupture du lien de confiance.

L’employé assigne la société devant le Tribunal des prud’hommes genevois. Il prétend notamment avoir droit à des indemnités pour licenciement immédiat injustifié, pour le solde de vacances non prises et pour ses heures supplémentaires.

L’employeuse s’y oppose.… Lire la suite