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La notion d’infanticide et l’influence de l’état puerpéral (art. 116 CP)

L’art. 116 CP présume de manière irréfragable (fiction) que la responsabilité de la mère est diminuée durant l’accouchement ainsi que durant un certain temps après, tant que dure l’état puerpéral. Il n’est en revanche pas nécessaire de démontrer l’influence de l’état puerpéral sur la commission de l’acte, la preuve à rapporter reposant uniquement sur la subsistance de cet état.

Faits

Deux heures et demie après avoir accouché, une mère tue son nouveau-né. Celle-ci est condamnée à deux ans de privation de liberté avec sursis pour infanticide (art. 116 CP). Le Ministère public du canton du Valais interjette recours auprès du Tribunal cantonal valaisan, lequel confirme toutefois le jugement de première instance.

Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral et demande à ce qu’une peine privative de liberté de 10 ans soit prononcée pour assassinat (art. 112 CP), se fondant sur une expertise psychiatrique. A teneur de cette dernière, l’état puerpéral dans lequel se trouvait la mère au moment des faits n’aurait pas eu d’influence sur l’acte.

Le Tribunal fédéral doit ainsi trancher si, lorsqu’une mère tue son enfant peu après avoir accouché et qu’elle se trouve encore dans l’état puerpéral, celui-ci doit avoir eu une influence sur la commission des faits pour qu’un infanticide selon l’art.Lire la suite

Le prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle ultérieur au prononcé d’une peine privative de liberté

ATF 145 IV 383TF, 07.10.2019, 6B_910/2018*

En tant que lex specialis, l’art. 363 al. 1 CPP l’emporte sur l’art. 65 al. 1 CP. Ainsi, les cantons peuvent prévoir que des tribunaux autres que celui qui a prononcé la peine initiale soient compétents pour ordonner une mesure thérapeutique institutionnelle.  Afin de respecter le principe ne bis in idem, le prononcé d’une telle mesure doit se fonder sur des faits ou moyens de preuves nouveaux et les conditions de son octroi devaient déjà être remplies au moment du jugement initial.

Faits

En 2009 un prévenu est condamné à une peine privative de liberté de 15 ans. En 2018, le Tribunal d’application des peines et des mesures de la République et canton de Genève (ci-après : TAPEM) ordonne un changement de sanction en application de l’art. 65 al. 1 CP et instaure une mesure thérapeutique institutionnelle au bénéfice du condamné. Le TAPEM fonde sa décision sur un complément d’expertise ordonné en 2016 ayant révélé la nécessité d’imposer une mesure thérapeutique au condamné vu ses importants troubles psychotiques, alors qu’une expertise plus ancienne datée de 2008 n’établissait aucune pathologie psychiatrique.

La Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise rejette le recours du condamné contre cette décision du TAPEM considérant que les conditions pour prononcer une mesure thérapeutique institutionnelle sont bel et bien remplies.… Lire la suite

L’expertise d’un immeuble et les lois publiques cantonales

ATF 143 III 532TF, 27.10.2017, 5A_200/2017*

L’office des poursuites doit tenir compte des normes de droit public cantonales lors de l’estimation de la valeur d’un immeuble à réaliser.

Faits

Un poursuivi est propriétaire de deux appartements en PPE. L’Office des poursuites de Genève mandate un architecte pour estimer la valeur de ceux-ci. L’expert estime leur valeur de réalisation à CHF 1’250’000.- respectivement CHF 1’500’000.- en tenant compte notamment du contrôle des prix exercé par l’Etat.

Le poursuivi requiert une nouvelle expertise des appartements en affirmant que les valeurs retenues dans la première expertise sont trop basses. Un deuxième expert estime alors la valeur des deux appartements à CHF 1’930’000.- respectivement CHF 2’315’000.-.

La Chambre de surveillance fixe la valeur de réalisation des deux appartements selon l’estimation effectuée par le second expert en considérant que les dispositions cantonales qui limitent le prix de vente n’ont pas d’effet sur l’exécution forcée en vertu du principe de la primauté du droit fédéral.

Le poursuivi exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral lequel est amené à préciser la relation entre la valeur d’estimation, le prix d’adjudication minimum et les normes de droit public cantonal.

Droit

L’art. 126 al.Lire la suite

L’incidence d’une cause interne (pathologique) sur un événement accidentel (art. 4 LPGA)

ATF 142 V 435 –  TF, 18.08.2016, 8C_734/2015*

Faits

Une personne assurée contre les accidents auprès de la SWICA part en randonnée avec des amis. Durant la randonnée, l’assuré informe ses amis qu’il ne se sent pas bien et qu’il a envie de vomir. Peu après, l’assuré dégringole environ 60 mètres en contrebas dans un champ d’éboulis.

Le décès de l’assuré est constaté sur place par le médecin urgentiste de la REGA. Celui-ci indique comme cause première du décès un problème cardiaque. Le médecin légiste conclut lui aussi que la chute de l’assuré est consécutive à une défaillance cardio-vasculaire. À elles seules, les blessures qui découlent de la chute n’apparaissent pas graves au point de causer la mort de l’assuré.

La veuve de l’assuré informe la SWICA du décès de son mari en mentionnant un accident en montagne. Par décision, la SWICA refuse de prendre en charge les suites de l’événement, en raison du fait que le décès a été causé par une insuffisance cardio-vasculaire, et non pas par un accident. Le Tribunal cantonal confirme cette décision.

La veuve forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’incidence d’une cause interne (pathologique) sur un événement accidentel et de sa prise en charge par l’assurance-accidents.… Lire la suite

Le remboursement des coûts d’une expertise privée

ATF 142 III 9 | TF, 16.12.2015, 5A_522/2014*

La première partie de cet arrêt, qui traite de la responsabilité civile des exécuteurs testamentaires, a été résumée ici : www.lawinside.ch/178. La deuxième partie de cet arrêt, qui traite de la réduction des honoraires des exécuteurs testamentaires, a été résumée ici : www.lawinside.ch/179.

Faits

Des héritiers reprochent à des exécuteurs testamentaires d’avoir mal géré la masse successorale. Afin d’établir une estimation de leur dommage, les héritiers engagent un expert après avoir déposé leur action en justice.

La Cour de justice du canton de Genève considère que les frais engendrés par l’expertise privée sont en rapport avec l’événement dommageable – in casu la violation par les exécuteurs testamentaires de leur devoir de diligence – de sorte qu’ils constituent un dommage devant être indemnisé.

Les exécuteurs testamentaires recourent au Tribunal fédéral en argumentant que cette expertise privée n’était pas nécessaire. Le Tribunal fédéral doit alors préciser les conditions du droit au remboursement de l’expertise privée.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que, de manière générale, la personne dont la responsabilité contractuelle est engagée peut être amenée à indemniser son cocontractant pour les frais d’expertise privée que celui-ci a supportés, à condition que ces frais soient en rapport avec l’événement dommageable.… Lire la suite