La révision pour composition irrégulière de l’autorité et la reformatio in pejus

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ATF 144 IV 35 | TF, 8.11.17, 6B_440/2016*

En cas de découverte ultérieure d’un vice relatif à la composition de l’autorité cantonale, il est possible d’appliquer l’art. 60 al. 3 CPP par analogie afin de se prévaloir dudit vice en tant que motif de révision. Un recours pendant au Tribunal fédéral ne constitue pas un obstacle à une procédure de révision du jugement de la juridiction d’appel. Enfin, l’interdiction de la reformatio in pejus s’applique également en procédure de révision, lorsque l’arrêt sur rescisoire a une portée tant réformatoire que cassatoire (art. 413 al. 2 let. a et b CPP).

Faits

Un prévenu est condamné à une peine privative de liberté de 13 ans par le Tribunal criminel genevois pour notamment tentative d’assassinat et brigandage aggravé selon l’art. 140 ch. 3 CP. Sur appel, la Chambre pénale d’appel et de révision (CPAR) annule le jugement de première instance. Statuant à nouveau, elle reconnaît le prévenu coupable d’un unique brigandage aggravé à teneur de l’art. 140 ch. 4 CP et confirme la peine.

Le prévenu et le Ministère public recourent au Tribunal fédéral. La juridiction d’appel informe alors les parties et le Tribunal fédéral que l’un des juges assesseurs en appel ne remplissait plus les conditions d’éligibilité lors du premier arrêt de la CPAR, en raison du dépassement de la limite d’âge (art. 10 LOJ/GE). Le prévenu dépose alors une demande de révision auprès de la CPAR, concluant notamment à l’annulation de l’arrêt et à ce que la procédure d’appel soit recommencée ab ovo. La Cour d’appel y fait droit et il est procédé à de nouveaux débats. La Cour confirme la condamnation pour tentative d’assassinat mais annule celle pour brigandage qualifié selon l’art. 140 ch. 3 CP. Statuant à nouveau, elle reconnaît le prévenu coupable de brigandage aggravé selon l’art. 140 ch. 3 CP et prononce une peine de 12 ans.

Le prévenu recourt alors au Tribunal fédéral, lequel doit en particulier se prononcer sur la révision ainsi que sur une éventuelle violation de l’interdiction de la reformatio in pejus.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral constate qu’il n’existe aucune base légale dans le CPP permettant aux parties de se prévaloir d’une composition irrégulière de l’autorité cantonale en tant que motif de révision. Il relève qu’il s’agit d’une lacune authentique – ou proprement dite – qui impose une application par analogie de l’art. 60 al. 3 CPP en cas de découverte ultérieure d’un vice tenant à la composition de l’autorité. Cette analogie à l’art. 60 al. 3 CPP, lequel traite de l’hypothèse d’une révision en cas de récusation, conduit à son tour à appliquer, vu le renvoi prévu par la norme précitée, les art. 410 ss CPP au cas d’espèce.

Dans un second temps, le Tribunal fédéral rappelle que le caractère subsidiaire de la révision (art. 125 LTF) se conçoit uniquement par rapport aux moyens de droit cantonaux, et non par rapport au recours au Tribunal fédéral. Ainsi, un recours pendant au niveau fédéral ne constitue pas un obstacle à une procédure de révision du jugement de la juridiction d’appel. Dans cette même logique, la condition de l’entrée en force de la décision sujette à révision doit être appréciée. Dans le contexte spécifique de la révision, il importe peu que le dépôt d’un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre un jugement de la juridiction d’appel fasse techniquement échec à l’entrée en force de la décision en cause.

Le Tribunal fédéral examine ensuite la portée de l’application par analogie des art. 60 al. 3 CPP et 410 ss CPP sur l’applicabilité de l’art. 391 al. 2 CPP et de l’interdiction de la reformatio in pejus. Selon la doctrine, cette interdiction s’applique à toutes les voies de recours au sens des art. 379 ss CPP. Le Tribunal fédéral relève qu’elle s’applique également en procédure de révision, lorsque l’arrêt sur rescisoire a une portée tant réformatoire (art. 413 al. 2 let. b CPP) que cassatoire (art. 413 al. 2 let. a CPP).

In casu, la CPAR a modifié la qualification retenue au profit d’une infraction plus sévèrement réprimée que la précédente en retenant dans son second arrêt une tentative d’assassinat en concours avec un brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 3 CP en lieu et place d’un seul brigandage aggravé au sens de l’art. 140 ch. 4 CP (absorbant la tentative d’assassinat).

Par conséquent, la CPAR ayant violé l’interdiction de la reformatio in pejus, le recours est admis et la cause renvoyée à l’autorité cantonale.

Note

En ce qui concerne le caractère subsidiaire de la révision, le Tribunal fédéral relève que la solution consistant à accorder une préséance à la révision cantonale par rapport au recours fédéral s’impose dans la mesure où, en tant que Cour suprême et juge du droit, le Tribunal fédéral statue, sous réserve d’arbitraire, sur la base des faits établis par l’autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il précise également que cette solution s’impose plus généralement afin d’éviter que le Tribunal fédéral n’ait à statuer sur un recours alors que l’arrêt entrepris est susceptible d’être annulé en raison de la découverte d’un motif de révision durant la procédure de recours.

Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, La révision pour composition irrégulière de l’autorité et la reformatio in pejus, in : https://www.lawinside.ch/585/