La voie à suivre lorsque l’autorité pénale ne statue pas sur les prétentions de l’art. 429 CPP

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ATF 144 IV 207 | TF, 01.05.18, 6B_1099/2017*

Si l’autorité compétente n’interpelle pas le prévenu acquitté sur sa possibilité de réclamer une indemnité pour ses frais de défense au sens de l’art. 429 al. 1 lit. a CPP et qu’elle statue sans accorder une telle indemnité, le prévenu doit recourir contre cette décision et ne peut plus déposer ultérieurement une demande allant dans ce sens.

Faits

Le Ministère public du canton de Soleure rend une ordonnance de non-entrée en matière à l’égard d’un prévenu. Il met à la charge de l’État les frais de procédure, mais ne statue pas sur les frais de défense (art. 429 al. 1 lit. a CPP). Plusieurs mois après, l’avocat du prévenu acquitté dépose sa liste de frais. Le Ministère public rejette cette requête, ce qui est confirmé par le Tribunal cantonal.

Le prévenu acquitté recourt au Tribunal fédéral qui doit déterminer s’il est possible d’obtenir ultérieurement une indemnité pour ses frais de défense si l’autorité compétente n’a pas statué sur cette question dans sa décision.

Droit

Aux termes de l’art. 429 al. 2 CPP, « l’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier ». Selon la jurisprudence, il en résulte l’obligation pour l’autorité compétente d’au moins interpeller la partie au sujet de ses prétentions.

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le Ministère public a violé cette obligation en omettant d’interpeller le recourant sur sa possibilité de faire valoir des prétentions au sens de l’art. 429 CPP et en ne statuant pas sur celles-ci quand bien même il a mis les frais de procédure à charge de l’État. En effet, les prétentions de l’art. 429 CPP doivent faire partie du dispositif de la décision finale (cf. art. 81 al. 4 lit. b et 421 al. 1 CPP).

En cas de manquement de l’autorité, le Tribunal fédéral constate que la doctrine diverge. Pour certains auteurs, la personne acquittée doit recourir (ou appeler) contre la décision qui ne traite pas de ce point. Pour d’autres, cette violation peut être réparée par une procédure judiciaire ultérieure indépendante au sens de l’art. 363 ss CPP ; il suffit alors de produire postérieurement la liste de frais.

Le Tribunal fédéral se rallie à l’avis selon lequel la personne acquittée doit recourir contre la décision qui omet de statuer sur les indemnités de l’art. 429 CPP. Ce résultat correspond à la systématique du CPP qui prévoit des voies de recours en cas de violation du droit par une autorité pénale.

Partant, le recourant aurait dû attaquer la décision de non-entrée en matière pour réclamer une indemnité pour ses frais de défense. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Note

Dans cet arrêt, pourtant destiné à la publication, le Tribunal fédéral a pris position de manière très succincte. En particulier, il aurait pu souligner que cette solution ne sanctionne pas vraiment la violation de l’art. 429 al. 2 CPP qui impose pourtant à l’autorité compétente d’interroger la partie sur sa volonté de faire valoir des prétentions : si l’autorité omet d’interpeller le prévenu et n’octroie dès lors aucune indemnité, il appartient à ce dernier de recourir dans les délais légaux. À défaut, la partie acquittée ne peut plus faire valoir ses prétentions. Cette solution est déjà celle appliquée par le Tribunal cantonal fribourgeois qui avait retenu que la reconsidération n’est pas ouverte dans une telle situation et que le prévenu devait utiliser les voies de recours ordinaires (RFJ 2014 148).

Le résultat aurait pu été différent si la personne acquittée n’avait pas été représentée par un avocat. Dans ce cas, le prévenu ne connaît généralement pas ses droits découlant de l’art. 429 CPP et ne va évidemment pas recourir contre une décision qui l’acquitte, perdant par là toute possibilité de faire valoir d’éventuelles prétentions. Cette situation devrait toutefois rester rare, car si le prévenu acquitté réclame une indemnité pour ses frais de défense, cela signifie qu’il est généralement assisté par un avocat. Il en va généralement de même lorsqu’il prétend à une indemnité en raison d’une privation de liberté (cf. art. 429 al. 1 lit. c CPP).

Proposition de citation : Julien Francey, La voie à suivre lorsque l’autorité pénale ne statue pas sur les prétentions de l’art. 429 CPP, in : https://www.lawinside.ch/623/