Le for de l’action en annulation des titres de gage immobilier

ATF 145 III 133 TF, 21.12.2018,5A_331/2018*

Pour des raisons de proximité avec le bien immobilier utilisé comme sûreté, l’art. 43 al. 2 CPC ne prévoit pas un for au domicile ou siège du débiteur mais un for au lieu de situation du bien immobilier. En matière d’annulation d’obligations hypothécaires au porteur, l’action doit être portée devant les tribunaux qui entretiennent un lien de proximité avec le bien immobilier utilisé comme sûreté. L’art. 43 al. 2 CPC est donc applicable à de telles actions.

Faits

Les membres d’une communauté héréditaire sont propriétaires communs d’une part de propriété par étage sise dans le district de Sierre. Cette part de propriété par étage est grevée d’une obligation hypothécaire au porteur de CHF 200’000.

La communauté héréditaire introduit une action en annulation de cette obligation hypothécaire au porteur devant le Tribunal de district de Sierre lequel se déclare incompétent faute de compétence à raison du lieu. En effet, il estime vraisemblablement que l’obligation hypothécaire au porteur est un “autre papier-valeur” au sens de l’art. 43 al. 3 CPC et que, dès lors, l’action aurait dû être introduite au domicile du débiteur de cette obligation hypothécaire.

Partant, la communauté réintroduit la même action devant le Tribunal du district de Emmental-Haute Argovie, lequel se déclare également incompétent.… Lire la suite

La responsabilité de l’exécuteur testamentaire à l’égard du légataire

ATF 144 III 217 | TF, 22.02.2018, 5A_363/2017*

Le seul devoir de l’exécuteur testamentaire envers le légataire est de délivrer le legs. Ainsi, un légataire ne dispose pas d’une prétention en responsabilité à l’encontre d’un exécuteur testamentaire qui se serait versé des honoraires excessifs, dès lors que l’éventuel dommage subi par le légataire ne découle pas d’une violation du devoir de délivrer le legs, mais de la violation de l’obligation de diligence et de fidélité de l’exécuteur testamentaire, obligation dont le légataire n’est pas directement bénéficiaire. Le fait que le legs consiste en une quote-part de la masse successorale n’y change rien.

Faits

Un légataire d’une succession est au bénéfice d’un legs consistant en une quote-part d’un vingtième du total du montant net de la masse successorale. Un avocat-notaire agit comme exécuteur testamentaire de la succession. Selon son décompte, la fortune successorale est d’environ 54 millions de francs. Il délivre ainsi environ 2.7 millions de francs au légataire en exécution du legs. Il se verse aussi 600’000 francs d’honoraires pour son travail en tant qu’exécuteur testamentaire.

Le légataire ouvre une action en justice à l’encontre de l’exécuteur testamentaire pour contester le montant de ses honoraires qu’il estime excessif. L’action du légataire est rejetée en première et en deuxième instance.… Lire la suite

L’animus donandi du testateur lors du transfert d’un bien immobilier en échange d’un usufruit

ATF 145 III I 1 | TF, 06.11.2018, 5A_404/2018*

Pour qu’une libéralité soit qualifiée comme telle et soit donc soumise à réduction (art. 527 ch. 1 CC et 626 al. 2 CC), l’animus donandi du testateur ne peut être retenu que si celui-ci a effectivement reconnu la disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation (confirmation de jurisprudence). Dans ce contexte, un usufruit ou un droit d’habitation (qui a pour effet de diminuer la valeur commerciale du bien immobilier) peut constituer une contre-prestation.

Faits

Un père cède un bien immobilier à l’un de ses enfants en tant qu’avancement d’hoirie. La valeur du bien est estimée à CHF 400’000, dont CHF 310’000 d’hypothèque reprise par le fils et CHF 90’000 à payer aux frères après la mort du père. En outre, le contrat de cession prévoit un droit de préemption en faveur des autres frères ainsi que l’attribution d’un usufruit à titre onéreux aux parents. Il prévoit également qu’une éventuelle plus-value n’est pas à rapporter par le fils. Six ans plus tard, le fils octroie à ses parents un droit d’habitation à titre gratuit à la place de l’usufruit. Environ vingt ans plus tard, le fils vend le bien immobilier pour CHF 980’000.… Lire la suite

Le partage de la prévoyance professionnelle et les « justes motifs » au sens de l’art. 124 b CC

ATF 145 III 56 | TF, 06.11.2018, 5A_443/2018*

Le comportement des époux durant le mariage ne justifie en principe pas le refus du partage de la prévoyance professionnelle. Cependant, dans des situations particulièrement choquantes, ceci peut constituer un juste motif permettant le refus total ou partiel du partage, l’emportant ainsi sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance des époux.  

Faits

Une épouse introduit une action en divorce après 45 ans de mariage, alors que les deux époux ont atteint l’âge de la retraite.

Pendant la durée du mariage, l’épouse a toujours travaillé. L’époux a en revanche gravement violé ses obligations d’entretien envers la famille, n’a pas contribué à la prise en charge des enfants ni aux tâches du ménage et a exercé un contrôle strict sur la vie de son épouse, au point de la priver de son autonomie. En outre, il a maltraité sa famille, tant physiquement que psychologiquement, et a joué une partie du salaire de son épouse à des jeux de hasard, en privant ainsi parfois sa famille de l’argent nécessaire pour subvenir à ses besoins de base.

En application du nouveau droit de la prévoyance professionnelle (art. 7d al. 2 Tit. fin.Lire la suite

Le calcul du minimum vital du parent débiteur et le nouvel art. 276a CC

ATF 144 III 502 | TF, 02.10.2018, 5A_553/2018, 5A_554/2018*

Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant prévoit une hiérarchie claire à l’art. 276a CC, selon laquelle l’obligation d’entretien envers l’enfant mineur prime les autres obligations d’entretien, notamment celle due au conjoint. Pour calculer le minimum vital du parent débiteur vivant avec sa nouvelle épouse, seule la moitié du montant de base mensuel doit être pris en compte afin de ne pas favoriser cette dernière par rapport aux enfants mineurs.

Faits

Un couple vivant en concubinage a deux enfants, l’un né en 2008, l’autre en 2011. Après leur séparation, les enfants restent avec la mère et reçoivent une contribution d’entretien de leur père fixée selon une convention d’entretien. Suite à l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, les deux enfants, représentés par leur mère, demandent la modification de la contribution convenue en se fondant sur l’art. 13c titre final CC. Entre-temps, le père s’est marié avec une autre femme, qui ne dispose d’aucun revenu, et a un nouvel enfant, né en 2017.

Les instances cantonales décident d’augmenter le montant de la contribution due aux enfants. Le père recourt alors au Tribunal fédéral contre les décisions du Kantonsgericht de Bâle-Campagne.… Lire la suite