La cessation du cours de la prescription par une ordonnance pénale (art. 97 al. 3 CP)

ATF 142 IV 11 | TF, 06.01.2015, 6B_608/2015*

Faits

Le 15 avril 2011, un conducteur commet un excès de vitesse en localité. Le 12 octobre 2011, il est condamné à une amende de 290 francs par ordonnance pénale. Suite à l’opposition du prévenu et après de nouvelles mesures d’instruction, le dossier est transmis au Tribunal d’arrondissement. Le 24 juin 2014, celui-ci confirme l’amende. Sur recours du prévenu, le Tribunal cantonal classe la procédure en raison de la prescription de l’action pénale.

Saisi d’un recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer si une ordonnance pénale frappée d’opposition fait cesser la prescription de l’action pénale (art. 97 al. 3 CP).

Droit

En vertu de l’art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu.

En l’absence d’opposition, l’ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 3 CPP). En revanche, l’ordonnance pénale contre laquelle une opposition a été soulevée n’a pas la qualité de jugement, même si l’autorité la maintient malgré de nouvelles mesures d’instruction. En effet, l’opposition n’est pas un moyen de recours, mais permet de déclencher la procédure judiciaire en rendant caduque l’ordonnance pénale.… Lire la suite

Le comportement passif de l’autorité comme réduction de la culpabilité

TF, 26.11.2015, 6B_917/2014

Faits

En octobre 2007, l’Office fédéral des assurances privées (OFAP) informe une société, dont le but est de “mettre en place et favoriser les cautionnements de loyers, à la demande de locataires, en faveur de leurs bailleurs”, que son activité nécessite une autorisation. L’OFAP la rend également attentive aux conséquences pénales de l’exercice de son activité sans autorisation. La société demande à l’OFAP qu’elle lui accorde plus de temps afin de pouvoir mettre en place un partenariat avec une assurance et ainsi respecter l’obligation de disposer d’une autorisation.

En décembre 2008, la société annonce à l’OFAP qu’elle n’a pas réussi à mettre en place ce partenariat. En avril 2009, la FINMA, qui a remplacé l’OFAP en matière de surveillance, constate formellement que la société exerce une activité en matière d’assurance et donc qu’elle nécessite d’une autorisation.

Le responsable opérationnel de cette société est poursuivi en justice pour avoir exercé l’activité d’assurance sans autorisation (art. 44 LFINMA). Le Tribunal pénal fédéral (TPF) le condamne ainsi à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 390 francs par jour.

Le prévenu recourt contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral. Il prétend que les autorités fédérales auraient adopté des comportements contradictoires, notamment en tolérant l’activité de sa société avant de le condamner par la suite.… Lire la suite

La prescription d’une diffamation par publication internet

ATF 142 IV 18TF, 02.12.2015, 6B_473/2015*

Faits

Une personne se rend coupable de diffamation (art. 173 CP) pour un post qu’elle a publié sur un blog. La cour d’appel renverse ce jugement en acquittant le prévenu au motif que l’infraction serait prescrite (cf. art. 98 let. a CP).

Sur recours du ministère public, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur le délai de prescription applicable à une diffamation perpétrée par une publication sur internet.

Droit

Le délai de prescription applicable aux délits contre l’honneur est de quatre ans (cf. art. 178 al. 1 CP). La prescription court (art. 98 CP) : (let. a) dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable ; (let. b) dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises ; (let. c) dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée.

Le ministère public reproche à l’instance inférieure de ne pas avoir retenu en tant que dies a quo le moment où le post litigieux a été effacé du site internet (art. 98 let. c CP). Il soutient que la jurisprudence fédérale qualifiant les infractions contre l’honneur d’infractions instantanées ne devrait pas s’appliquer aux publications sur internet, ce d’autant que l’auteur choisit parfois délibérément de ne pas effacer l’article publié.… Lire la suite

Le meurtre passionnel et la légitime défense excessive

ATF 142 IV 14TF, 26.11.15, 6B_454/2015*

Faits

Une personne tue une autre personne lors d’une altercation. Le Tribunal de première instance condamne le prévenu à 4 ans de prison pour meurtre commis en légitime défense excessive (art. 111 CP en relation avec l’art. 16 al. 1 CP). Sur recours du prévenu, le Tribunal cantonal le condamne à 30 mois de peine privative de liberté. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral et reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné s’il s’était plutôt rendu coupable de meurtre passionnel commis en légitime défense excessive.

Droit

Dans une ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral avait estimé qu’un auteur pouvait commettre un meurtre passionnel en état de légitime défense excessive (ATF 102 IV 228). En revanche, la doctrine majoritaire considère que si l’émotion violente, condition imposée par le meurtre passionnel, provient d’une attaque d’un tiers, l’auteur doit être condamné pour meurtre commis en état de légitime défense excessive. Partant, un tel état de fait exclurait le meurtre passionnel.

Le Tribunal fédéral se rattache à cette opinion et effectue un revirement de jurisprudence. A cette fin, il rappelle le principe de l’interdiction de la double prise en considération des mêmes éléments (Doppelverwertungsverbot).… Lire la suite

L’internement à vie

ATF 141 IV 423 | TF, 05.11.15, 6B_217/2015*

Faits

Un délinquant sexuel multirécidiviste est incarcéré durant de longues années et bénéficie d’un suivi psychiatrique. Peu après sa mise en liberté, il commet deux nouvelles infractions. Son mode opératoire consiste à faire absorber un somnifère à ses victimes à leur insu, puis à abuser d’elles sexuellement.

Le délinquant est condamné en première instance pour contrainte sexuelle (art. 189 CP) à quatre ans et demi de prison et à l’internement à vie. Le jugement est confirmé sur appel.

Le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si les conditions de l’internement à vie sont remplies en l’espèce.

Droit

Aux termes de l’art. 64 al. 1bis CP, l’internement à vie est prononcé si l’auteur a commis l’un des crimes énumérés dans la disposition, et que, cumulativement, (let. a) il a porté ou voulu porter une atteinte particulièrement grave à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui ; (let. b) il est hautement probable qu’il commette à nouveau un de ces crimes ; et (let. c) l’auteur est qualifié de durablement non amendable, la thérapie semblant vouée à l’échec sur le long terme.

Le Tribunal fédéral souligne que l’internement à vie est soumis à des exigences très élevées, ceci valant non seulement pour l’incurabilité (let.Lire la suite