La prescription relative à la rectification du registre foncier en cas de révocation d’une autorisation de la Commission foncière agricole (art. 71 al. 2 et 72 al. 3 LDFR)

TF, 27.09.2023, 2C_856/2021*

La prescription de 10 ans relative à la rectification d’une inscription au registre foncier de l’art. 72 al. 3 LDFR ne s’applique qu’en cas d’acte juridique nul. Lorsqu’une autorisation accordée est révoquée car elle repose sur de fausses informations (art. 71 LDFR), l’acte en cause n’est pas nul. Partant, le délai de l’art. 72 al. 3 LDFR ne s’applique pas à l’ordre de rectification du registre foncier faisant suite à une décision de révocation. Seule la prescription de 10 ans pour la révocation de l’autorisation est applicable (art. 71 al. 2 LDFR).

Faits

Le 18 octobre 2011, la Commission foncière agricole (ci-après : la Commission) autorise la vente d’un terrain situé en zone agricole en considérant que l’acheteur est exploitant agricole. Les parties concluent le contrat de vente le 13 décembre 2011.

Le 12 janvier 2021, la Commission révoque son autorisation au motif que l’acheteur n’exploite pas le terrain et n’a jamais eu l’intention de l’exploiter. Partant, il ne remplit pas les conditions requises (art. 63 LDFR). Sur recours, l’instance cantonale confirme la décision de la Commission. L’acheteur interjette alors un recours au Tribunal fédéral.

En parallèle, la Commission ordonne, le 11 mai 2021, la réinscription de l’ancien propriétaire au registre foncier.… Lire la suite

Le fardeau de la preuve en cas d’adjudication de gré à gré (revirement de jurisprudence)

TF, 06.11.2023, 2C_50/2022*

Il appartient à l’autorité adjudicatrice, et non à l’entreprise qui n’a pas été choisie, de prouver l’absence de solutions alternatives adéquates lorsque celle-ci fonde la renonciation à un appel d’offre (adjudication de gré à gré). A l’appui de sa qualité pour recourir, l’entreprise non choisie peut se limiter à rendre vraisemblable qu’elle est fournisseuse potentielle de la prestation concernée. Le Tribunal fédéral revient ainsi sur sa jurisprudence dite “Microsoft” (ATF 137 II 313).

Faits

L’Etat de Vaud utilise de longue date le logiciel d’une société argovienne pour la gestion de son service des automobiles et de la navigation. En 2021, la Direction générale cantonale du numérique et des systèmes d’information décide d’acquérir la nouvelle version de ce logiciel et de prolonger sa collaboration avec la prestataire argovienne jusqu’en 2034, pour un prix total supérieur à CHF 45 millions.

Une entreprise saint-galloise commercialisant un logiciel similaire interpelle l’Etat de Vaud pour savoir pourquoi l’adjudication a eu lieu sans appel d’offres. La Direction générale compétente explique que les prestations reçues jusqu’ici de l’adjudicataire argovienne donnent pleine satisfaction et que l’acquisition de la nouvelle version de son logiciel constitue la solution la plus fonctionnelle et économique pour le canton.… Lire la suite

La déclaration de compensation devant le Tribunal fédéral

TF, 25.09.2023, 4A_428/2022*

Pour qu’une objection de compensation soit prise en compte par le Tribunal fédéral, elle doit avoir fait l’objet d’une déclaration devant une instance précédente.

Faits

Une société active dans la promotion immobilière et son actionnaire unique concluent, en qualité d’apporteurs, un contrat de base (Grundvertrag) avec un tiers. Les parties conviennent de réaliser deux quasi-fusions ; les apporteurs devant céder à une société appartenant au tiers deux sociétés immobilières, l’une déjà existante, l’autre devant être créée.

En 2014, dans le prolongement du contrat de base, les apporteurs conviennent avec la société appartenant au tiers deux contrats d’apport en nature aux termes desquels la société du tiers reçoit les parts des deux sociétés immobilières moyennant le paiement d’un prix. Ces deux contrats d’apport prévoient que des droits et obligations qui en découlent ne peuvent être cédés que moyennant l’accord écrit préalable des parties. Malgré cette clause de restriction de cessibilité, en 2016, les apporteurs cèdent à une fondation panaméenne des créances dont ils disposent contre la société appartenant au tiers au titre des deux contrats d’apport.

En 2017, les apporteurs et le tiers conviennent d’un contrat de liquidation (Erledigunsvertrag) aux termes duquel ils nomment une experte arbitre pour l’établissement d’un décompte final.… Lire la suite

L’examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a LEI)

TF, 15.09.2023, 2C_457/2023*

Une personne détenue dans le cadre de la procédure Dublin ne renonce pas définitivement au contrôle judiciaire de sa détention par le simple fait de cocher une case en ce sens sur un formulaire. L’autorité judiciaire qui n’entre pas en matière sur la demande subséquente de contrôle viole le droit d’accès à un·e juge de la personne détenue.

Faits

Soupçonné de voyager sans titre de transport valable, un ressortissant marocain est contrôlé le 9 août 2023. Il ne présente pas de documents d’identité valables. Il ressort du système d’information Schengen qu’il est interdit d’entrée en Italie et aux Pays-Bas. Il est arrêté provisoirement sur ordre de l’Office des migrations de Bâle-Ville.

Le lendemain, le concerné dépose une demande d’asile pour la Suisse. Parallèlement, l’Office des migrations ordonne sa mise en détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 76a LEI) pour une durée de sept semaines. Le 21 août 2023, sa représentante juridique requiert le contrôle judiciaire de sa détention. L’Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville n’entre pas en matière sur cette demande, au motif que le détenu aurait préalablement renoncé au contrôle judiciaire de sa détention.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, le détenu saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’autorité précédente a violé le droit applicable en refusant d’entrer en matière sur la demande de contrôle judiciaire de sa détention.… Lire la suite

Compétence du tribunal de commerce et procédure applicable à des prétentions formées après la fin d’un bail

TF, 11.09.23, 4A_263/2023*

La procédure simplifiée n’est pas applicable, au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, aux actions ayant pour objet des prétentions pécuniaires formées après la fin d’un bail, en dehors d’une procédure en consignation, en protection contre les loyers et fermages abusifs, en contestation de la résiliation ou en prolongation du bail.

Faits

Une société d’assurance loue des locaux commerciaux situés à Zurich à une grande enseigne de commerce de détail. Au terme de plusieurs procédures relatives à la fin du contrat de bail, sa reconduction, respectivement sa prolongation au-delà du mois de janvier 2014, la locataire restitue les locaux à la bailleresse en février 2020.

En septembre 2021, la bailleresse introduit une action devant le Handelsgericht de Zurich, concluant au paiement de 44’805’529 francs, correspondant à la différence entre les loyers qu’elle a effectivement perçus durant la période d’occupation litigieuse et la rémunération selon les conditions usuelles du marché pour les surfaces de vente. Par décision du 16 mars 2023, le Handelsgericht déclare la demande irrecevable, faute de compétence matérielle.

Sur recours de la bailleresse, le Tribunal fédéral est amené à déterminer la compétence du Handelsgericht à l’aune de sa jurisprudence relative à l’applicabilité de la procédure simplifiée aux affaires relevant du droit du bail.… Lire la suite