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Principe in dubio pro duriore et expertise de crédibilité d’un·e enfant

TF, 24.10.2023, 7B_28/2023

Il n’y a pas de violation du principe in dubio pro duriore lorsque le classement (art. 319 al. 1 lit. a CPP) intervient à la suite d’une enquête approfondie ne révélant aucun moyen de preuve objectif, y compris une expertise de crédibilité d’une enfant supposément victime de violences sexuelles de la part de son père.

Faits

À la suite d’un divorce, la garde d’une enfant est attribuée à sa mère, tandis que son père dispose d’un droit de visite. Dès le divorce, l’exercice du droit de visite représente une source de conflit entre les parents.

Cinq ans après le divorce, la mère dépose une plainte pénale contre le père, pour de prétendus actes d’ordre sexuel commis sur leur fille, alors âgée de sept ans. D’autres accusations s’y ajoutent ensuite : viols multiples, contraintes sexuelles multiples, pornographie et menaces, toujours au détriment de l’enfant.

À la suite du classement de la procédure par le Ministère public soleurois, la mère saisit l’Obergericht, sans succès. Elle exerce ensuite un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit examiner si l’instance précédente a pu nier sans arbitraire l’existence de soupçons suffisants, ce qui justifierait un classement (art.Lire la suite

Appel de marge et réalisation des actifs par la banque

TF, 24.01.2021, 6B_1381/2021

Une banque ne commet pas de gestion déloyale en reprenant pour son compte et à un prix inférieur au marché les positions d’un client n’ayant pas satisfait aux besoins en marge fixés préalablement dans un contrat execution only de négoce d’options et de futures. 

Faits

En 2015, un client conclut avec sa banque un contrat execution only de négoce d’options et de futures. Le contrat oblige le client à surveiller en permanence son compte afin de respecter les besoins en marge de la banque. Ceux-ci sont fixés par la banque en fonction du risque généré par la transaction ou de la stratégie envisagée par le client. Si les besoins en marge ne sont pas satisfaits, la banque peut réaliser les positions à sa libre appréciation, même à un prix défavorable.

En 2018, la banque informe le client d’une augmentation de ses besoins en marge et de la nécessité de fournir immédiatement des fonds supplémentaires (appel de marge). Le client n’ayant pas répondu, la banque réalise les positions du client en les reprenant dans ses livres et lui transmet une confirmation de transactions. Ce document indique que les positions ont été réalisées sur le marché boursier, mais ne mentionne pas qu’elles ont été reprises par la banque.… Lire la suite

Le classement violant la présomption d’innocence de la partie plaignante

ATF 147 I 386 | TF, 27.06.2021, 6B_1177/2020*

Lorsque des instructions pénales sont ouvertes contre des protagonistes dont les comportements sont intimement liés, le ministère public doit tous les renvoyer en jugement afin que le juge matériellement compétent se prononce sur les conditions de réalisation des infractions.

S’agissant du cas dans lequel deux personnes portent plainte l’une contre l’autre pour la même infraction, le ministère public viole la présomption d’innocence de la première personne s’il renvoie celle-ci en jugement mais décide de classer la procédure dirigée contre la deuxième personne au motif qu’elle a agi en état de légitime défense (art. 319 al. 1 let. c CPP cum art. 15 CP).

Faits

Deux individus portent plainte l’un contre l’autre après s’être retrouvés dans une altercation. Une instruction pénale est ouverte contre chacun des deux protagonistes, notamment pour lésions corporelles simples.

Le Ministère public ordonne le classement de la procédure pénale pour lésions corporelles simples dirigée contre le deuxième protagoniste en application des art. 15 CP et art. 319 al. 1 let. c CPP. Il retient en outre qu’en usant son spray au poivre et en donnant un coup de pied, celui-ci s’était défendu de manière proportionnée alors qu’il avait été agressé par le premier individu et le fils de ce dernier.… Lire la suite

Le classement partiel et le principe ne bis in idem

ATF 144 IV 362TF, 20.09.2018, 6B_1346/2017*

Une ordonnance de classement viciée est soumise au régime de la nullité ou de l’annulabilité, en fonction de la gravité du vice. En la présence d’erreurs procédurales qui ne sont pas aisément décelables, l’ordonnance est annulable et entre en force si elle n’est pas attaquée. Elle équivaut alors un acquittement conformément à l’art. 320 al. 4 CPP. Le principe ne bis in idem s’oppose à la condamnation du prévenu pour l’infraction classée.

Faits

Une personne se rend dans les locaux d’une société et s’adresse à la réceptionniste en lui indiquant que le gérant de la société doit le rappeler dans la journée, à défaut de quoi il l’abattrait.

Le gérant porte plainte pénale contre le prévenu pour contrainte et menaces. Le Ministère public du canton de Lucerne condamne le prévenu par ordonnance pénale pour contrainte à l’encontre de la réceptionniste. Dans la même ordonnance, le Ministère public classe la procédure en ce qui concerne l’infraction de menaces en application de l’art. 319 al. 1 let. b CPP, au motif que le gérant n’aurait pas été alarmé ou effrayé.

Le prévenu forme opposition contre l’ordonnance pénale. Le classement partiel n’est pas attaqué.… Lire la suite

La portée du principe in dubio pro duriore

ATF 143 IV 241 | TF, 01.06.2017, 6B_1358/2016*

Un classement n’est possible que lorsque l’impunité des actes du prévenu paraît claire ou lorsque des conditions à l’action pénale font manifestement défaut. Dans ce cadre, la situation probatoire doit paraître claire, à défaut de quoi le Ministère public ne saurait anticiper l’appréciation du juge du fond. Le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral se limite à l’analyse de cette question.

Faits

Une épouse dépose plainte contre son époux pour lésions corporelles simples, menaces et séquestration. Pour l’essentiel, elle l’accuse d’avoir régulièrement fait usage de violence contre elle et de l’avoir enfermée à clé dans une pièce de l’appartement à plusieurs reprises, en l’obligeant à rester debout sur une jambe.

Le Ministère public classe la procédure environ un an après le dépôt de la plainte. Le recours de l’épouse contre ce prononcé étant rejeté, elle agit devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le Tribunal fédéral doit en particulier se pencher sur la portée du principe in dubio pro duriore.

Droit

L’épouse fait grief à la cour cantonale d’avoir violé l’art. 319 al. 1 CPP, le principe in dubio pro duriore ainsi que la maxime inquisitoire et d’office.… Lire la suite