La prise en compte des jours chômés dans le calcul de la prolongation du temps d’essai

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ATF 148 III 126 | TF, 08.03.22, 8C_317/2021*

Seuls les jours de maladie qui auraient dû être effectivement travaillés sont susceptibles de générer une prolongation du temps d’essai au sens de l’art. 335b al. 3 CO. De même, seuls les jours ouvrables sont à prendre en compte dans le calcul de l’échéance de la prolongation du temps d’essai. Ainsi, si l’un des événements cités à l’art. 335b al. 3 CO survient pendant un jour chômé, cela n’emporte pas prolongation du temps d’essai. 

Faits

Un employé entre en fonction auprès des CFF le 16 mars 2020. Son contrat à durée indéterminée prévoit un temps d’essai de trois mois.

L’employé est déclaré malade du lundi 15 juin 2020 au vendredi 19 juin 2020 et reprend ensuite son poste le lundi 22 juin 2020. Le même jour, les CFF lui remettent une décision de licenciement visant à mettre fin aux rapports de travail avec effet au 29 juin 2020 (délai de congé de sept jours). L’employé conteste la décision de licenciement.

Le Tribunal administratif fédéral ayant rejeté le recours de l’employé, celui-ci forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral.

Aux termes de cet arrêt, se pose principalement la question de l’application de l’art. 335b al. 3 CO, en d’autres termes celle de savoir si les jours chômés doivent être comptabilisés dans le calcul de l’échéance de la prolongation du temps d’essai.

Droit

L’employé soutient que la décision de licenciement est survenue hors du temps d’essai et que les modalités de congé n’ont donc pas été respectées, un délai de congé plus long lui étant applicable. Se fondant sur un silence qualifié de la CCT-CFF s’agissant de la prolongation du temps d’essai, l’employé allègue que la période d’essai n’a pas été prolongée faute d’application de l’art. 335b al. 3 CO au cas d’espèce. Subsidiairement, l’employé remet en question le calcul concret de l’échéance de la prolongation du temps d’essai.

S’agissant des employés des CFF, la LCFF et la LPers trouvent application. Ces normes renvoient à la Convention collective de travail 2019 des CFF (art. 15 al. 2 LCFF et art. 38 al. 1 LPers). A défaut de réglementation concernant le calcul du temps d’essai, le Tribunal fédéral retient que les art. 335b CO cum art. 77 CO s’appliquent à titre supplétif (ch. 1 al. 3 CCT-CFF et ch. 22 CCT-CFF a contrario), contrairement à l’opinion du recourant. Dès lors, seul le calcul concret de la prolongation du temps d’essai  pour cause de maladie aux termes de l’art. 335b al. 3 CO est litigieux.

Selon l’art. 335b al. 3 CO, lorsque, pendant le temps d’essai, le travail est interrompu par suite de maladie, d’accident ou d’accomplissement d’une obligation légale incombant au travailleur sans qu’il ait demandé de l’assumer, le temps d’essai est prolongé d’autant.

Aux fins de l’application de l’art. 335b al. 3 CO, le Tribunal fédéral différencie d’une part, l’analyse des jours qui peuvent déclencher une prolongation du temps d’essai, et d’autre part, celle des jours à comptabiliser dans le calcul de l’échéance de la prolongation de la période d’essai.

Concernant d’abord la première problématique, le Tribunal fédéral rappelle que seuls les jours de maladie qui auraient dû être effectivement travaillés sont susceptibles de générer une prolongation du temps d’essai. En d’autres termes, si un employé tombe malade uniquement pendant les jours où il ne devait pas effectivement travailler, tels qu’un samedi ou dimanche, l’art. 335b al. 3 CO ne s’applique pas.

Survient alors l’analyse de la seconde problématique s’agissant du calcul des jours comptabilisés pour déterminer l’échéance de la prolongation du temps d’essai. A cet égard, le Tribunal fédéral retient, contrairement à l’employé, que seuls les jours ouvrables doivent être comptabilisés dans le calcul de l’échéance de la prolongation du temps d’essai et non pas tous les jours calendaires. En effet, le but du temps d’essai est de permettre aux parties d’apprendre à connaître leurs attentes mutuelles et de construire un rapport de confiance en vue de la prolongation de leur rapport de travail ; le Tribunal fédéral reconnaît par conséquent qu’il correspond au but de l’art. 335b al. 3 CO et du temps d’essai que la prolongation soit calculée sur la base des jours de travail effectif uniquement.

Dans le cas d’espèce, le temps d’essai de l’employé a commencé le 16 mars 2020 et devait s’achever le 16 juin 2020 (ch. 22 CCT-CFF cum art. 77 CO). L’employé a été empêché pour cause de maladie pendant cinq jours ouvrables ; le temps d’essai devait donc être prolongé de cinq jours entiers en application de l’art. 335b al. 3 CO. A la lumière des considérants exposés, il convient donc de ne pas prendre en compte le samedi et le dimanche (jours chômés) dans le calcul de l’échéance de la prolongation du temps d’essai. Dès lors, la période d’essai a été prolongé de cinq jours (concrètement : les 17, 18, 19, 22 et 23 juin 2020) et a pris effectivement fin le mardi 23 juin 2020 et non pas le dimanche 21 juin 2020.

Le licenciement a été notifié le lundi 22 juin 2020. La décision de licenciement étant survenue pendant le temps d’essai, le délai de congé de sept jours (ch. 174 al. 1 CCT-CFF) a donc été respecté et les rapports de travail ont valablement pris fin le 29 juin 2020. Le Tribunal fédéral rejette par conséquent le recours.

Proposition de citation : Victor Sellier, La prise en compte des jours chômés dans le calcul de la prolongation du temps d’essai, in : www.lawinside.ch/1216/