La compétence ratione materiae en cas de versement d’un capital suite à un accident

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TF, 31.01.2024, 4A_169/2023*

Le versement d’un capital par une assurance complémentaire en cas d’invalidité suite à un accident ne complète pas les prestations de la LAMal. En conséquence, la compétence ratione materiae d’un tribunal pour connaître du litige ne découle pas de l’art. 7 CPC.

Faits

Un assuré souscrit une assurance auprès d’une entreprise d’assurance privée ; cette dernière prévoit le versement d’un capital en cas de décès ou d’invalidité de l’assuré. En 2020, l’assuré subit un accident. La SUVA lui accorde deux prestations : d’une part, une rente d’invalidité et d’autre part, une indemnité sur la base des art. 24 et 25 LAA.

En 2022, l’assuré actionne son assurance auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton du Valais. Il réclame le paiement d’un montant de CHF 350’000. Le Tribunal déclare l’action irrecevable ; il ne s’estime pas compétent ratione materiae.

L’assuré forme recours en matière civile au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la compétence d’une Cour cantonale pour traiter d’un litige sur une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sur la base de l’art. 7 CPC.

Droit

L’art. 7 CPC permet aux cantons d’instituer un tribunal pour statuer sur les litiges qui portent sur les assurances complémentaires à l’assurance-maladie selon la LAMal. Le législateur a introduit cet article afin de permettre aux cantons de garder une seule instance cantonale pour traiter des litiges, tant en matière d’assurance sociale que d’assurance complémentaire. Cette possibilité constitue une dérogation à l’art. 75 al. 2 let. a LTF qui impose un double degré de juridiction. Par opposition, le législateur n’a pas donné suite à une initiative parlementaire qui visait à appliquer cette exception également aux assurances complémentaires à l’assurance-accidents obligatoire  ; l’art. 7 CPC ne s’y applique donc pas. Reste à déterminer si l’assurance complémentaire contractée in casu se rapporte à l’assurance-maladie ou non.

Le Tribunal fédéral adopte une interprétation restrictive de l’art. 7 CPC : pour se concevoir comme complémentaire à l’assurance-maladie, il est nécessaire que l’assurance couvre les mêmes risques et offre des prestations équivalentes. Cela suppose deux éléments : d’une part, que l’assurance concerne une situation de maladie, d’accident ou de maternité et d’autre part, que l’assurance offre exclusivement des prestations de bases qui proviennent du catalogue de la LAMal.

En l’espèce, l’assurance souscrite par l’assuré déploie son régime en cas d’accident ; la première condition est ainsi remplie, car la LAMal couvre ce risque. En revanche, l’indemnité qu’entend obtenir l’assuré sert à compléter celle qu’il a déjà obtenue sur la base des art. 24 et 25 LAA : cette circonstance indique que cette prestation complémentaire se rapporte bien plus à l’assurance-accidents qu’à l’assurance-maladie. En conséquence, l’art. 7 CPC ne s’applique pas à la demande en paiement initiée par l’assuré à défaut de compétence ratione materiae.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Arnaud Lambelet, La compétence ratione materiae en cas de versement d’un capital suite à un accident, in : www.lawinside.ch/1411/