La qualité de l’héritier de se constituer demandeur au pénal (art. 121 al. 1 CPP)

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ATF 142 IV 82 | TF, 01.02.2016, 6B_827/2014*

Faits

Un mari dépose une plainte pénale contre une personne pour diverses infractions perpétrées contre le patrimoine de sa femme défunte. Il soutient notamment que sa femme a été victime d’une escroquerie (art. 146 CP) et qu’après son décès, le produit de ce crime a fait l’objet d’un blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière, au motif que le mari n’a pas le statut de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP nécessaire pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 310 CPP). Le mari recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal cantonal, qui lui dénie la qualité pour recourir et n’entre ainsi pas en matière sur le recours (art. 382 al. 1 CPP).

Le mari forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si le mari, en tant qu’héritier, dispose de la qualité pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 121 al. 1 CPP).

Droit

Au sens de l’art. 115 al. 1 CPP, une personne dispose du statut de lésé lorsque ses droits ont été touchés directement par une infraction. Un bien juridique est directement touché lorsqu’il est protégé par la disposition pénale en question.

En ce qui concerne le blanchiment d’argent (art. 305bis CP) perpétré après le décès de la femme, le Tribunal fédéral considère que c’est à tort que l’instance précédente a dénié au mari la qualité pour recourir. Dans un tel cas, l’héritier est lésé du fait que l’infraction le touche directement, car elle désavantage l’ensemble de la communauté d’héritier. Ainsi, l’héritier doit pouvoir se constituer demandeur au pénal en déposant une plainte pénale (art. 118 al. 1 et 2, art. 119 al. 2 let. a CPP). Le recours du mari doit dès lors déjà être admis sur ce point.

En ce qui concerne les infractions perpétrées contre la femme alors qu’elle était encore en vie, telle l’escroquerie (art. 146 CP), le Tribunal fédéral considère que les héritiers ne disposent pas de la qualité de lésé au sens de l’art. 115 CPP. En effet, une telle infraction ne touche pas directement l’héritier dans l’un de ses biens juridiquement protégés. Ainsi, c’est à raison que l’instance précédente a dénié au mari la qualité pour recourir selon l’art. 382 al. 1 CPP. Cependant, il convient d’examiner dans quelle mesure la transmission des droits prévue à l’art. 121 al. 1 CPP confère des droits procéduraux aux héritiers.

Selon l’art. 121 al. 1 CPP, lorsque le lésé décède sans avoir renoncé à ses droits de procédure, ceux-ci passent à ses proches au sens de l’art. 110 al. 1 CP, dans l’ordre de la succession. L’étendue de la transmission des droits est controversée en doctrine. Après avoir procédé à une interprétation littérale et systématique de l’art. 121 al. 1 et 2 CPP, le Tribunal fédéral considère que les droits transmis concernent tant l’action civile que la plainte pénale. De plus, le Tribunal fédéral considère que la communauté d’héritier n’est pas obligée d’agir conjointement pour déposer une plainte pénale, à l’inverse de l’action civile. Un héritier est ainsi en droit de déposer seul une plainte pénale.

En tant que proche de sa femme défunte au sens de l’art. 110 al. 1 CP, le mari est donc en droit de déposer une plainte pénale suite à la transmission des droits prévue à l’art. 121 al. 1 CPP et à recourir contre l’ordonnance de non-entrée en matière du ministère public auprès de l’autorité de recours (art. 382 al. 1 CPP).

Partant, le recours est admis.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La qualité de l’héritier de se constituer demandeur au pénal (art. 121 al. 1 CPP), in : www.lawinside.ch/194/