La surveillance des télécommunications basée sur des sources confidentielles de la police

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ATF 142 IV 289TF, 08.06.16, 1B_63/2016*

Faits

La police genevoise informe le ministère public que, selon des sources confidentielles et sûres, un Ghanéen inconnu se livre à un important trafic de stupéfiants. Afin de l’identifier, la police suggère la surveillance secrète de son numéro de téléphone. Le Procureur ordonne la surveillance et le TMC l’autorise. Cette mesure de surveillance permet d’identifier le Ghanéen et de l’appréhender alors qu’il transportait 1.3kg de cocaïne. Une fois au courant de la mesure de surveillance secrète, le prévenu conteste sa validité. Il soutient notamment que l’absence d’information sur les sources des renseignements dans le rapport de police ne permettrait pas au TMC de procéder à un contrôle de la réalité des soupçons justifiant la mesure de surveillance. Le Tribunal fédéral doit ainsi établir si le ministère public peut ordonner une mesure de surveillance secrète sur la seule base d’un rapport de police mentionnant l’existence de « sources sûres et confidentielles ».

Droit

Selon l’art. 269 al. 1 CPP, une mesure de surveillance téléphonique doit (i) reposer sur de graves soupçons qui laissent présumer une infraction figurant à l’art. 269 al. 2 CPP, (ii) se justifier au regard de la gravité de l’infraction commise et (iii) s’avérer nécessaire, en ce sens que les mesures prises jusqu’alors doivent être restées sans succès. Pour déterminer l’existence des graves soupçons, le TMC se fonde sur la demande du ministère public qui doit exposer les faits et les actes déterminants du dossier. Ces derniers peuvent notamment consister en des pièces à conviction, comme des relevés ADN, des rapports de police ou encore des témoignages. Le Tribunal fédéral relève cependant que la simple déclaration d’une partie sans indication de ses sources peut manquer d’objectivité et s’avère donc insuffisante.

Il en va différemment des rapports de police. En effet, la police, en tant qu’autorité pénale, doit respecter le principe de la bonne foi et l’interdiction de l’abus de droit (art. 3 al. 2 CPP). En outre, l’anonymat des sources de la police se justifie parfois pour protéger les informateurs. De même, lors d’une enquête portant sur un important trafic de drogue international, qui implique de nombreuses personnes, l’anonymat des sources permet de réduire le risque de collusion entre les différents intervenants et d’augmenter la possibilité de démanteler le réseau. De plus, l’intensité des soupçons varie en fonction du stade de la procédure : au début de l’enquête, des soupçons encore peu précis suffisent. Refuser une mesure de surveillance en raison du fait que le ministère public ne peut pas vérifier la réalité des soupçons de la police reviendrait à ouvrir formellement une instruction sans toutefois avoir la possibilité de la faire ensuite progresser.

Au regard de tous ces éléments, le Tribunal fédéral estime que le ministère public et le TMC peuvent partir du principe que les rapports de police reflètent la vérité, même s’ils n’indiquent pas leur source. Il souligne, en revanche, qu’un risque d’abus peut exister si la police requiert une prolongation de la mesure sans la motiver ou si elle recourt systématiquement à la dénomination « sources sûres et confidentielles » pour obtenir une mesure de surveillance.

En ce qui concerne les autres conditions de la surveillance secrète des télécommunications, le Tribunal fédéral relève que l’importation de stupéfiants figure dans le catalogue des infractions justifiant une telle mesure et que la police n’avait pas réussi à identifier le prévenu autrement.

Partant, le TMC a autorisé à juste titre la surveillance du téléphone portable du prévenu. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Julien Francey, La surveillance des télécommunications basée sur des sources confidentielles de la police, in : www.lawinside.ch/278/

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