La déduction des intérêts moratoires résultant d’un rappel d’impôt sur plusieurs périodes fiscales

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ATF 144 II 359 | TF, 02.07.18, 2C_258/2017*

Le contribuable peut déduire les intérêts moratoires de ses revenus et de sa fortune pour chacune des années fiscales sur lesquelles porte le rappel d’impôt.

Faits

L’Administration fiscale cantonale genevoise (AFC) initie une procédure en rappel d’impôt et en soustraction à l’encontre d’un restaurateur pour les périodes fiscales 2004 à 2011. Il en résulte pour le restaurateur un supplément d’impôt à payer, comprenant des intérêts moratoires. L’AFC déduit les intérêts uniquement pour l’exercice fiscal au cours duquel les décisions de rappel ont été notifiées, soit pour l’exercice 2014.

En sollicitant la déduction des intérêts relatifs aux suppléments d’impôts à payer sur les périodes fiscales antérieures, le restaurateur forme réclamation, puis recours auprès des différentes instances cantonales. Il obtient droit auprès de la Cour de justice, qui lui accorde la déduction des intérêts pour chacune des années fiscales sur lesquelles porte le rappel d’impôt.

L’AFC forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la déduction des intérêts moratoires relatifs aux suppléments d’impôts dus sur plusieurs périodes fiscales.

Droit

Sur la base des art. 151 al. 1 LIFD et 53 LHID, l’autorité fiscale procède – lorsque certaines conditions sont réunies – au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

À titre préliminaire, le Tribunal fédéral se penche sur la question jusqu’alors jamais tranchée de savoir si les intérêts liés au rappel d’impôt prévus par l’art. 151 al. 1 LIFD sont des « intérêts passifs » dont la déduction est possible selon les art. 33 al. 1 let. a LIFD et 9 al. 2 let. a LHID.

Suivant l’avis de la doctrine, le Tribunal fédéral retient que ces intérêts sont liés à la dette pécuniaire du rappel d’impôt et qu’ils doivent par conséquent être déductibles du revenu.

Il reste ainsi à déterminer dans quelle période fiscale doivent être déduits les intérêts moratoires résultant des rappels d’impôts.

Le Tribunal fédéral constate d’entrée que cette question n’est pas résolue par la LIFD ou la LHID. Il se penche ainsi sur le jugement de l’instance précédente qui s’est fondé sur le droit cantonal pour appliquer le principe de l’étanchéité des exercices fiscaux. Ce principe veut que les revenus réalisés et les frais engagés durant une période fiscale soient déterminants pour la taxation de cette période.

En lien avec un rappel d’impôt, le Tribunal fédéral considère que les intérêts sont directement liés au montant du rappel dû pour chaque période fiscale en cause. Ainsi, sous l’angle de l’étanchéité des exercices, le contribuable peut déduire les intérêts de son revenu et de sa fortune pour chacune des années fiscales sur lesquelles porte le rappel d’impôt.

En l’espèce, les rappels d’impôts portent sur les années fiscales 2004 à 2011. Pour chacune de ces périodes, le restaurateur doit s’acquitter d’une somme à titre de rappel d’impôts et les intérêts moratoires y relatifs. Ces intérêts doivent être déduits du revenu et de la fortune du restaurateur pour chaque année fiscale concernée par les rappels.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours de l’AFC.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La déduction des intérêts moratoires résultant d’un rappel d’impôt sur plusieurs périodes fiscales, in : www.lawinside.ch/638/