L’assistance judiciaire et le retrait de la prévoyance sous forme de capital

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ATF 144 III 531 | TF, 05.10.2018, 4A_362/2018* 

Une personne qui retire sa prévoyance sous forme de capital doit se faire imputer cette dernière en tant que fortune à prendre en compte pour le calcul du droit aux prestations de l’assistance judiciaire au sens de l’art. 117 let. a CPC.

Faits

Dans le cadre d’une procédure devant la Cour des assurances sociales du canton de Zurich portant sur l’assurance collective indemnité journalière, un justiciable demande l’assistance judiciaire ainsi que la nomination d’office d’un conseil juridique. La Cour rejette la demande d’assistance judiciaire puisque la procédure concernant l’assurance collective indemnité journalière est de toute façon gratuite. Elle rejette également la demande de nomination d’office d’un conseil juridique. En effet, le justiciable n’est pas indigent puisqu’il dispose de CHF 180’000 de prestation de sortie, laquelle lui a été versée sous forme de capital.

Le justiciable recourt au Tribunal fédéral, concluant à l’annulation de la décision. Le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si le retrait sous forme de capital de la prévoyance professionnelle doit être imputé sur la fortune et pris en compte lors de l’examen de l’indigence au sens de l’art. 117 let. a CPC ou si ce capital retiré doit, compte tenu de l’espérance de vie moyenne, être converti en une rente et être imputé pro rata temporis en tant que revenu.

Droit

La Cour des assurances sociales soutient que le retrait sous forme de capital de la prévoyance professionnelle doit être imputé sur la fortune, en se fondant, entre autres, sur l’ATF 135 I 288. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait considéré que la personne qui demande l’assistance judiciaire et qui a renoncé volontairement au paiement en espèces de la prestation de sortie au sens de l’art. 5 LFLP, alors qu’il aurait pu la demander, doit se faire imputer cette dernière.

En premier lieu, le Tribunal fédéral analyse la doctrine. Selon un premier courant, l’objectif de protection sociale de la prestation de sortie ainsi que sa saisissabilité limitée au sens de l’art. 92 al. 1 ch. 10 LP exigent la conversion du capital en une rente pro rata temporis à l’espérance de vie. Un autre courant se fonde sur la jurisprudence de l’ancienne Cour fédérale des assurances sociales, selon laquelle une imputation des avoirs de la prestation de sortie en tant que fortune est possible, dans la mesure où la provenance de ces fonds n’est pas pertinente. Cette solution serait plus proche de la pratique et de la réalité.

Le Tribunal fédéral relève ensuite que le but des art. 117 ss CPC ainsi que de l’art. 29 al. 3 Cst. est de permettre à une personne indigente de faire valoir ses droits devant un tribunal. Une personne est indigente lorsqu’elle ne peut pas payer les frais d’un procès sans utiliser des moyens dont elle a besoin pour couvrir les frais nécessaires de sa vie ainsi que de celle de sa famille. Par contre, le montant de la fortune qui dépasse cette « réserve de secours  » doit être utilisé pour financer le procès.

Enfin, le Tribunal fédéral considère qu’une conversion en une rente hypothétique ne se justifie pas pour plusieurs motifs : premièrement, la loi ne prévoit pas un traitement égal de la rente et du capital. Tel est également le cas, par exemple, en ce qui concerne leur imposition. Deuxièmement, la saisissablilité limitée des prétentions résultantes de la prévoyance professionnelle n’empêche pas qu’elles soient prises en compte pour l’examen de l’indigence. Il en va de même du premier pilier, lequel est absolument insaisissable (art. 92 al. 1 ch. 9a LP). Troisièmement, l’assuré peut librement disposer de la fortune qui lui a été versée ; il n’est par conséquent pas garanti que ce dernier utilisera ce capital uniquement dans le but de la prévoyance.

Dès lors, la prévoyance retirée sous forme de capital doit être prise en compte en tant que fortune dans l’examen de l’indigence au sens de l’art. 117 let. a CPC.

En l’espèce, le recourant n’a pas suffisamment démontré que la prestation de sortie restante de CHF 180’000 dépasse sa réserve de secours. Par conséquent, la condition de l’indigence n’est pas remplie et le recours est rejeté.

Proposition de citation : Francesca Borio, L’assistance judiciaire et le retrait de la prévoyance sous forme de capital, in : www.lawinside.ch/673/