Le mode d’imposition d’un contribuable en Suisse à l’épreuve de la pertinence vraisemblable

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ATF 145 II 112

Le mode d’imposition en Suisse d’une personne visée par une demande d’assistance administrative en matière fiscale émanant de la France remplit la condition de la pertinence vraisemblable lorsque l’autorité requérante cherche à clarifier sa résidence fiscale.

Faits

La Direction générale des finances publiques française (DGFP) adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à l’Administration fédérale des contributions (AFC) visant un contribuable qui aurait résidé en France, puis en Suisse. La demande cherche notamment à clarifier la résidence fiscale du contribuable. Ainsi, la DFGP sollicite de l’AFC la copie des déclarations fiscales suisses ainsi que des avis d’imposition suisses du contribuable visé.

L’AFC accorde l’assistance administrative et décide d’informer la DGFP que le contribuable est résident fiscal en Suisse et qu’il bénéficie de l’imposition d’après la dépense. À ce sujet, l’AFC décide de remettre à la DGFP un tableau faisant état du montant de la dépense imposable ainsi que des impôts dus en conséquence.

Contre cette décision, le contribuable recourt au Tribunal administratif fédéral. Celui-ci juge que l’assistance doit être accordée et les informations transmises, à l’exception de celle selon laquelle le contribuable est imposé en Suisse d’après la dépense.

L’AFC interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit alors déterminer si le renseignement selon lequel le contribuable est imposé d’après la dépense en Suisse est un renseignement vraisemblablement pertinent au sens de l’art. 28 par. 1 CDI CH-FR.

Droit

Concernant la recevabilité, le Tribunal fédéral considère que le cas d’espèce pose une question juridique de principe qui n’a pas encore été tranchée. La condition de recevabilité prévue à l’art. 84a LTF est ainsi remplie.

Selon l’art. 28 par. 1 CDI CH-FR, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de Convention.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’une demande d’assistance administrative peut avoir pour but de clarifier la résidence fiscale d’un contribuable. Dans ce contexte, il convient de déterminer si la communication du mode d’imposition en Suisse du contribuable s’avère pertinente pour déterminer son éventuelle résidence fiscale dans l’État requérant.

À cet égard, le Tribunal fédéral se penche sur l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR, qui aurait échappé à l’instance précédente. Cette disposition prévoit que n’est pas considérée comme résident d’un État contractant une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire. Une personne imposée d’après la dépense n’est donc pas considérée comme résidente au sens de l’art. 4 CDI CH-FR.

Le Tribunal fédéral en conclut que le mode d’imposition d’une personne en Suisse constitue un renseignement vraisemblablement pertinent si la demande d’assistance française vise à établir la résidence fiscale de cette personne.

En l’espèce, la demande française cherche à déterminer la résidence fiscale du contribuable visé. Le point de savoir si le contribuable est imposé d’après la dépense en Suisse constitue par conséquent un renseignement vraisemblablement pertinent au sens de l’art. 28 par. 1 CDI CH-FR.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours.

Note

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral estime que le mode d’imposition d’un contribuable est un renseignement vraisemblablement pertinent lorsque l’État requérant cherche à déterminer la résidence fiscale du contribuable. Pour aboutir à cette conclusion, le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR, qui prévoit expressément que n’est pas considérée comme résident d’un État contractant une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire.

Il est à noter que cette disposition est spécifique à la CDI CH-FR. Il n’est donc pas certain que l’arrêt du Tribunal fédéral résumé ci-dessus soit transposable à des demandes d’assistance administrative en matière fiscale émanant d’autres États que la France.

Le Tribunal administratif fédéral avait ainsi jugé, dans un cas fondé sur la CDI CH-ES qui ne contient pas une disposition analogue à l’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR, que le renseignement qu’un contribuable suisse fait l’objet d’une taxation d’après la dépense constitue un renseignement qui n’est pas vraisemblablement pertinent pour l’État requérant (ATAF, 20.08.2018, A-3407/2017, consid. 3.6.4). À l’inverse de l’arrêt résumé ici, l’AFC n’avait alors pas jugé utile de contester cet élément au Tribunal fédéral.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le mode d’imposition d’un contribuable en Suisse à l’épreuve de la pertinence vraisemblable, in : www.lawinside.ch/720/