Le seuil d’exemption concernant la compensation des avantages et inconvénients résultant des mesures d’aménagement

ATF 143 II 568TF, 16.08.2017, 1C_132/2015*

Une limite d’exemption de CHF 100’000 en ce qui concerne la compensation des avantages et inconvénients résultant des mesures d’aménagement viole l’art. 5 al. 1quinquies LAT ainsi que le principe d’égalité de traitement. Le Tribunal fédéral annule la disposition cantonale tessinoise prévoyant une telle limite.

Faits

Le canton du Tessin adopte une nouvelle loi sur le développement territorial. Un chapitre de cette loi prévoit un régime de compensation des avantages et inconvénients résultant des mesures d’aménagement, en application de l’art. 5 LAT. Les taux d’imposition sont de 20 % ou 30 % suivant le type d’avantage dont bénéficie le propriétaire. L’art. 93 de la loi définit la notion d’avantage majeur comme étant une augmentation de valeur supérieure à CHF 100’000.-, et précise expressément qu’une augmentation inférieure à ce montant est exemptée de toute contribution.

Deux citoyens forment recours contre cette loi en concluant à l’annulation de la disposition précitée. Le Tribunal fédéral doit vérifier si la norme tessinoise est conforme à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.) et au principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 Cst.).

Droit

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans le contrôle abstrait des normes.… Lire la suite

Le dépôt d’écritures judiciaires sous format électronique

Arrêt de la Cour de justice de Genève, 16.10.2017, ACJC/1341/2017

Lorsqu’une partie dépose ses écritures judiciaires sous format électronique, l’autorité ne peut exiger qu’elle ne lui adresse ultérieurement une version papier ni qu’elle ne lui verse des frais judiciaires pour l’impression des documents.

Faits

Par courrier électronique sécurisé du 1er mai 2017, une partie à une procédure civile dépose auprès du Tribunal de première instance genevois une demande en paiement de sept pages et un chargé de titres de 87 pages, tous deux munis de la signature électronique.

Par décision incidente, le Tribunal invite la partie à déposer sa demande et son chargé sur support papier (un exemplaire pour le Tribunal et autant d’exemplaires que de parties adverses) faute de quoi la partie devra s’acquitter de frais judiciaires à hauteur de CHF 238.- correspondant au coût d’impression des deux jeux d’écritures et de pièces.

La partie recourt contre cette décision incidente auprès de la Cour de justice, laquelle est amenée à déterminer si le Tribunal de première instance était légitimé à demander une version papier des écritures déposées sous format électronique ou au besoin à condamner la partie à des frais d’impression.

Droit

La Cour de justice commence par relever que l’art.Lire la suite

La renonciation à recourir au Tribunal fédéral en arbitrage international

ATF 143 III 589 | TF, 17.10.2017, 4A_53/2017*

Une clause d’arbitrage qui prévoit que “There shall be no appeal to any court from awards rendered hereunder” est une renonciation valable à recourir auprès du Tribunal fédéral. S’il existe une telle renonciation, la voie de la révision n’est pas non plus ouverte.

Faits

Une société acquiert 25 % du capital d’une entreprise énergétique dont un Etat est le principal actionnaire. Par la suite, la société augmente sa part dans l’entreprise et conclut deux contrats avec l’Etat afin de contrôler la gestion de celle-ci.

Ces contrats contiennent la clause compromissoire suivante : “Awards rendered in any arbitration hereunder shall be final and conclusive and judgment thereon may be entered into any court having jurisdiction for enforcement thereof. There shall be no appeal to any court from awards rendered hereunder“.

Alléguant que les contrats ont été obtenus grâce à un pot-de-vin de 10 millions d’euros, l’Etat engage une procédure d’arbitrage conformément au Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Il conclut à la constatation de la nullité des deux contrats.

Le Tribunal arbitral, ayant siège à Genève, rejette la demande de l’Etat.

L’Etat exerce alors un recours auprès du Tribunal fédéral et conclut à la récusation de l’arbitre qu’il a nommé.… Lire la suite

Une prise de sang doit être ordonnée par le Ministère public (55 LCR)

ATF 143 IV 313 | TF, 07.09.17, 6B_942/2016*

Une prise de sang est une mesure de contrainte même si le prévenu s’y soumet volontairement. Dès lors, elle doit être ordonnée par le ministère public et non par la police.

Faits

A l’occasion d’un contrôle de police, un automobiliste soupçonné d’être en incapacité de conduire subit une prise de sang. Celle-ci ne révèle aucune trace de THC, mais un principe inactif du cannabis. Le Ministère public du canton de Saint-Gall prononce une ordonnance de classement concernant la conduite sous l’influence de stupéfiant, mais condamne l’automobiliste pour infraction à la LStup. Ce dernier dépose un appel puis un recours devant le Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur les conditions pour ordonner une prise de sang.

Droit

Selon l’art. 55 al. 3 lit. a aLCR, une prise de sang doit être ordonnée lorsqu’il existe des indices laissant présumer une incapacité de conduire. Une prise de sang constitue une mesure de contrainte au sens du CPP, même si la personne accepte de s’y soumettre.

Selon l’art. 198 al. 1 CPPles mesures de contrainte sont ordonnées par le ministère public, le tribunal et par la police dans les cas prévus par la loi.… Lire la suite

La compétence du Tribunal arbitral en matière de séquestre

ATF 143 III 578 | TF, 19.09.2017, 4A_12/2017*

Un tribunal arbitral n’a ni la compétence de prononcer la mainlevée d’une opposition, ni la compétence de constater la validité d’un séquestre. Une telle constatation dans le dispositif d’une sentence arbitrale n’entraîne toutefois pas forcément l’annulation de celle-ci par le Tribunal fédéral.

Faits

La juridiction compétente du canton de Genève ordonne un séquestre de certains actifs d’une société. Par la suite, un Tribunal arbitral est constitué et condamne cette société à payer environ USD 2.3 Mio à une autre société. Dans son dispositif, le Tribunal arbitral constate que le séquestre a été régulièrement validé par l’action en reconnaissance de dette ouverte devant lui.

La société défenderesse considère que le Tribunal arbitral s’est reconnu à tort compétent pour valider le séquestre et exerce ainsi un recours au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à préciser la question de la compétence d’un tribunal arbitral en matière de séquestre.

Droit

L’art. 279 al. 1 LP prévoit que le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.

Dans un considérant très didactique, le Tribunal fédéral rappelle que l’action propre à valider un séquestre au sens de l’art.Lire la suite