La qualité de lésé du membre d’un groupe visé par un outrage raciste (art. 261bis CP)

ATF 143 IV 77TF, 03.01.2017, 1B_320/2015*

Faits

Sur les ondes de la télévision suisse allemande, un humoriste se sert d’un cliché selon lequel les juifs seraient cupides et explique que lorsqu’un juif fait de l’humour, ce n’est pas uniquement pour faire rire, mais également pour gagner de l’argent.

Un téléspectateur de confession juive dépose une plainte pénale contre l’humoriste pour discrimination raciale. Le ministère public lui nie la qualité de lésé et donc de partie plaignante. Sur recours du téléspectateur, le Tribunal cantonal confirme la décision du ministère public.

Le téléspectateur recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer s’il est en l’espèce lésé.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par expliquer que la problématique qui lui est soumise est de nature formelle. Il est en effet uniquement amené à déterminer si le téléspectateur est une partie à la procédure et non si les propos de l’humoriste sont constitutifs d’une infraction.

Le Tribunal fédéral rappelle que, sous l’intitulé marginal « [d]iscrimination raciale », l’art. 261bis par. 4 in initio CP tend à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance, ainsi que l’égalité entre les êtres humains.

En se fondant sur la doctrine, le Tribunal fédéral explique que lorsque l’outrage ou l’injure raciste est dirigé contre un particulier, il ne fait aucun doute que la victime est directement lésée et qu’elle peut faire valoir ses droits en procédure.… Lire la suite

Les répartitions des frais en équité en procédure de mainlevée (art. 107 al. 1 let. f CPC)

ATF 143 III 46TF, 10.01.2017, 5A_716/2016*

Faits

Un créancier requiert la mainlevée définitive de l’opposition formée par un débiteur poursuivi (art. 80 al. 1 LP). Dans sa réponse à la requête du créancier, le débiteur soulève l’exception de compensation.

Le Tribunal d’arrondissement d’Aarau admet l’exception de compensation soulevée par le débiteur et rejette ainsi la requête en mainlevée du créancier. Cependant, estimant que l’exception de compensation a été invoquée de manière tardive par le débiteur, le Tribunal d’arrondissement s’écarte de la règle générale sur la répartition des frais et met ceux-ci d’un montant total de 1’300 francs à charge du débiteur (art. 107 al. 1 let. f CPC). Le Tribunal cantonal confirme ce jugement.

Le débiteur poursuivi dépose  un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la décision relative aux frais. La question topique est celle de savoir si l’exception de compensation a été soulevée trop tard par le débiteur poursuivi, de sorte qu’il se justifie, en dérogation à la règle générale de l’art. 106 al. 1 CPC, de mettre les frais de la procédure à charge de celui-ci (art. 107 al. 1 let. f et art. 108 CPC).… Lire la suite

La notification d’un commandement de payer et l’infraction de contrainte (art. 181 CP)

TF, 15.12.2016, 6B_378/2016

Faits

Un locataire conclut avec un bailleur un contrat de bail d’une durée de 10 ans. Environ deux mois après la conclusion du contrat, le locataire résilie le bail. Le bailleur indique au locataire qu’il ne peut pas dénoncer le bail de manière anticipée et lui propose de régler amiablement le litige moyennant paiement par le locataire de 20’000 francs. Le bailleur indique au locataire qu’en cas de refus de son offre, il intenterait à son encontre des poursuites ainsi que diverses autres mesures judiciaires, telles que par exemple un séquestre ou une saisie de salaire en mains de l’employeur.

Le bailleur adresse peu de temps après un commandement de payer de 610’000 francs au locataire, représentant les loyers des 10 ans de bail. Le locataire forme opposition au commandement de payer, dont le bailleur demande la mainlevée, qui lui est refusée.

Les instances cantonales reconnaissent le bailleur coupable de tentative de contrainte.

Le bailleur interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la notification du commandement de payer constitue en l’espèce une tentative de contrainte (art. 181 CP).

Droit

Se rend coupable de contrainte selon l’art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte.… Lire la suite

La suspension de la procédure pénale en cas de conjoints (art. 55a CP)

ATF 143 IV 104TF, 23.12.2016, 6B_527/2016, 6B_535/2016*

Faits

Deux époux ont acquis un chien pendant leur mariage. À partir du mois d’avril 2012, ils décident de vivre séparés. Alors qu’elle avait initialement accepté que le chien reste chez son mari après la séparation, l’épouse revient sur sa décision et, à l’occasion d’une promenade avec l’animal, décide de ne plus le rendre à son mari.

Contrarié par cet enlèvement, le mari organise une riposte, qu’il exécute quelques jours plus tard accompagné de sa sœur et d’une amie. Le 22 juin 2012, les trois attendent l’épouse près de chez elle pour lui enlever le chien. À cet occasion, ils commettent des voies de fait à l’encontre de la femme.

Suite à cet incident, les époux s’accusent mutuellement de violences conjugales, plus particulièrement de voies de fait répétées commises entre 2010 et 2012. En 2013, ils trouvent un accord et demandent la suspension de la procédure qui est par la suite classée en application de l’art. 55a CP.

En début d’année 2014, l’époux et les deux participantes sont condamnés pour voies de fait par le tribunal de première instance, jugement confirmé ensuite sur appel.

Le mari et une des participantes interjettent recours en matière pénale au Tribunal fédéral en demandant leur acquittement.… Lire la suite

L’interruption du délai de prescription en droit pénal des mineurs

ATF 143 IV 49 | TF, 03.01.17, 6B_646/2016*

Faits

Un mineur commet plusieurs abus sexuels sur une fille de 17 ans en 2005 notamment. En 2008, le tribunal d’arrondissement condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 3.5 ans. Il s’ensuit 3 recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En 2015, le Tribunal cantonal retient en substance que le prévenu a commis plusieurs actes sexuels en 2005. Le prévenu saisit une nouvelle fois le Tribunal fédéral en invoquant la prescription de 5 ans prévue par l’art. 36 al. 1 lit. a DPMin. En effet, l’art. 1 al. 2 lit. j DPMin renvoie à l’art. 98, 99 al. 2, 100 et 101 al. 1 CP, mais non à l’art. 97 al. 3 CP qui prévoit l’interruption de la prescription de l’action pénale lors du prononcé d’un jugement de première instance. Le Tribunal fédéral doit dès lors se déterminer sur l’interruption de la prescription en droit pénal des mineurs.

Droit

Après avoir rappelé les règles d’interprétation de la loi, le Tribunal fédéral constate que dans un arrêt non publié (TF, 07.10.09, 6B_771/2009), il  avait conclu que l’interruption de la prescription de l’art.Lire la suite