L’assistance judiciaire et le concubinage

ATF 142 III 36 | TF, 17.12.2015, 5A_734/2015*

Faits

Dans une requête en modification du lieu de séjour des enfants d’un couple divorcé, un tribunal d’arrondissement zurichois refuse l’octroi de l’assistance judiciaire demandée par la mère (art. 117 CPC). L’instance supérieure confirme cette décision au motif que la mère vit désormais en concubinage et, puisque cette dernière n’a pas dévoilé la situation financière de son nouveau concubin, le tribunal ne peut pas estimer les revenus et le patrimoine du couple afin de lui octroyer éventuellement l’assistance judiciaire.

La mère saisit le Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur l’obligation du concubin de supporter les frais d’un procès intenté par son concubin.

Droit

La jurisprudence a déduit de l’art. 159 al. 2 CC l’obligation pour un époux d’avancer les frais d’un procès intenté par l’autre époux. L’art. 163 CC prévoit également une obligation de soutien d’un époux envers l’autre.

Cependant, de telles obligations n’existent en principe pas dans un concubinage. Le Tribunal fédéral considère également qu’il n’est pas possible d’appliquer par analogie au concubinage les dispositions légales applicables au mariage.

Ainsi, une obligation de solidarité, telle que la prise en charge des coûts d’un procès, ne peut pas être imposée à un concubin sans base légale expresse.… Lire la suite

La qualité de l’héritier de se constituer demandeur au pénal (art. 121 al. 1 CPP)

ATF 142 IV 82 | TF, 01.02.2016, 6B_827/2014*

Faits

Un mari dépose une plainte pénale contre une personne pour diverses infractions perpétrées contre le patrimoine de sa femme défunte. Il soutient notamment que sa femme a été victime d’une escroquerie (art. 146 CP) et qu’après son décès, le produit de ce crime a fait l’objet d’un blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière, au motif que le mari n’a pas le statut de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP nécessaire pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 310 CPP). Le mari recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal cantonal, qui lui dénie la qualité pour recourir et n’entre ainsi pas en matière sur le recours (art. 382 al. 1 CPP).

Le mari forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si le mari, en tant qu’héritier, dispose de la qualité pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 121 al. 1 CPP).

Droit

Au sens de l’art. 115 al. 1 CPP, une personne dispose du statut de lésé lorsque ses droits ont été touchés directement par une infraction.… Lire la suite

La prison à vie et l’internement ordinaire

ATF 142 IV 56 | TF, 04.02.2016, 6B_513/2015*

Faits

Un meurtrier est condamné en deuxième instance à la prison à vie et à l’internement ordinaire.

Dans le cadre du recours formé par le prévenu contre cette condamnation, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’internement ordinaire peut être prononcé simultanément à la prison à vie.

Droit

Le recourant fait valoir qu’ayant été condamné à la prison à vie, il ne sera relâché que si les conditions d’une libération conditionnelle sont remplies, soit en particulier s’il n’y a pas lieu de craindre de nouvelles infractions de sa part (absence de risque de récidive,  art. 86 al. 1 CP). Or, l’internement ne peut être prononcé que si la seule peine ne suffit pas à écarter le risque de récidive (art. 56 al. 1 let. a CP). Si le recourant devait être libéré conditionnellement, ce serait précisément parce que les autorités compétentes auraient estimé qu’il ne présentait plus de risque de récidive. Partant, le recourant considère qu’il n’aurait pas dû être condamné à l’internement en plus de la prison à vie, dès lors que la peine de prison à vie suffit à écarter tout risque de récidive (art. 56 al.Lire la suite

L’indemnisation de l’avocat pour une procédure de contravention (art. 429 CPP)

ATF 142 IV 45 | TF, 11.02.2016, 6B_1105/2014*

Faits

Le Ministère public du canton du Valais condamne un vigneron à une amende de 800 francs pour insoumission à une décision de l’autorité (art. 292 CP). Le vigneron mandate un avocat qui fait opposition et obtient le classement de la procédure. En revanche, le Ministère public refuse d’indemniser l’avocat en soulevant que les services d’un avocat ne sont pas nécessaires pour une contravention. Le Tribunal cantonal confirme la décision du Ministère public relative à l’absence d’indemnisation. Le vigneron saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer si le recours aux services d’un avocat pour une contravention apparaît comme raisonnable au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.

Droit

Selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP, « si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure ». L’indemnité pour les frais de défense n’est pas restreinte aux cas de défense obligatoire de l’art. 130 CPP. Dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il faut tenir compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu.… Lire la suite

Le caractère abusif d’un congé fondé sur un projet de construction

ATF 142 III 91 | TF, 09.02.2016, 4A_327/2015*

Faits

Un bailleur et un locataire concluent un contrat de bail à loyer commercial, résiliable dans un délai de deux ans après une certaine durée déterminée.

Suite à la vente du terrain, le contrat de bail est transféré à une autre société. Le nouveau bailleur résilie dans les formes et dans le délai le contrat. Il justifie cette résiliation par la conduite d’un concours d’architecture et par son souhait de laisser toutes les options ouvertes pour des travaux d’envergure.

Le locataire dépose une demande en annulation de la résiliation. Cette demande est rejetée jusqu’en dernière instance cantonale. Le locataire saisit alors le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la résiliation se fondait sur un projet de travaux suffisamment concret.

Droit

Le locataire estime que la résiliation contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). De manière générale, une résiliation est contraire à la bonne foi lorsqu’elle ne poursuit aucun intérêt sérieux, objectif et digne de protection et qu’elle apparaît ainsi purement chicanière ou qu’elle atteint des intérêts des parties qui se trouvent dans un rapport manifestement disproportionné. Un congé donné en vue de travaux d’assainissement ou de rénovation qui restreignent l’utilisation de l’objet loué ne contrevient pas en soi aux règles de la bonne foi.… Lire la suite