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Le séquestre et la réalisation anticipée de cryptoactifs

ATF 148 IV 74 | TF, 18.10.2021, 1B_59/2021*

Lorsqu’il est prévisible que les modalités d’une réalisation anticipée auront une influence sur son résultat, l’autorité pénale est tenue de prendre des mesures pour obtenir un produit aussi élevé que possible et ainsi préserver les intérêts de l’État et du prévenu. Si elle ne dispose pas des connaissances nécessaires à cet effet, elle doit faire appel à un expert. 

Faits

Dans le cadre d’une instruction pénale pour blanchiment d’argent, le Ministère public du canton de Zurich séquestre les cryptoactifs que détient le prévenu sur un compte auprès d’une société.

Un an plus tard, le Ministère public ordonne à cette même société de transférer les cryptoactifs séquestrés du prévenu sur le compte du Ministère public auprès d’une autre société. Celle-ci est chargée de convertir les avoirs en francs suisses et de transférer le produit de la vente sur le compte du Ministère public, en vue d’une confiscation du produit de la réalisation.

Le prévenu recourt contre cette ordonnance auprès de l’Obergericht de Zurich, qui le rejette. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si le procédé de réalisation anticipée des cryptoactifs séquestrés tel qu’envisagé par le Ministère public respecte l’art.Lire la suite

Le préjudice irréparable issu de recherches secrètes illicites

ATF 148 IV 82 | TF, 19.10.2021, 1B_404/2021*

Un préjudice irréparable, condition pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision incidente (art. 93 al. 1 let. a LTF), est notamment reconnu lorsque la loi prévoit expressément la restitution ou la destruction immédiate des moyens de preuves illicites. Tel n’est pas le cas en matière de recherches secrètes illicites. 

Faits

De source confidentielle, la Police de sûreté du canton de Vaud apprend qu’un individu utilisant un certain numéro de téléphone vend probablement de la cocaïne. Elle entreprend des investigations et des surveillances qui lui permettent d’identifier l’individu.

Un policier téléphone à l’utilisateur du numéro de téléphone et simule une transaction en lui donnant rendez-vous. L’individu qui se présente et qui lui vend un « parachute » de cocaïne s’avère être la personne soupçonnée.

Informé par la police, le Ministère public cantonal ordonne la perquisition du domicile de l’individu ainsi que son audition. Lors de celle-ci, l’individu admet qu’il consomme et vend de la cocaïne.

Le Ministère public ouvre alors une instruction pénale contre l’individu pour délit contre la LStup et séjour illégal. Il requiert également sa mise en détention provisoire auprès du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc). Celui-ci l’accorde pour une durée maximale de trois mois.… Lire la suite

Le droit d’accès à l’origine des données

ATF 147 III 139 | TF, 10.12.2020, 4A_125/2020*

Une ordonnance de preuve ne doit pas avoir pour effet de procurer au requérant les informations visées par la demande au fond.

Les informations qui se trouvent dans la mémoire humaine ne tombent pas sous le coup du droit d’accès selon l’art. 8 LPD.

Faits

Un associé d’une étude d’avocats zurichoise est inculpé par les autorités pénales américaines de complicité à des délits fiscaux.

Quelques années plus tard, après avoir été exclu de son étude, l’ancien associé apprend que sa banque veut mettre un terme à sa relation contractuelle avec lui. L’avocat soupçonne qu’un associé de son ancienne étude a informé le General Counsel de la banque du fait qu’il avait été inculpé aux États-Unis. Il dépose alors une demande de droit d’accès fondée sur la protection de données.

Le Bezirksgericht de Zurich rend une ordonnance de preuve afin d’entendre l’associé de l’étude, un autre avocat, ainsi que le General Counsel de la banque au sujet d’une potentielle conversation téléphonique entre l’associé et le General Counsel.

L’Obergericht confirme l’ordonnance de preuve. Il considère en particulier que le droit de connaître l’origine des données (art. 8 al. 2 let.Lire la suite

L’existence d’un risque de préjudice irréparable en cas de disjonction

ATF 147 IV 188 | TF, 28.12.2020, 1B_524/2020*

Une ordonnance de disjonction fonde en principe un risque de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF. Les circonstances qui fondent un tel risque dans le cas concret sont des faits de double pertinence traités dans le cadre de l’examen au fond.

Le fait que des infractions aient été commises par plusieurs auteurs indépendants contre la même personne, au même endroit et au cours de la même nuit n’est pas suffisant en soi pour retenir que ces infractions doivent être poursuivies et jugées conjointement au sens de l’art. 29 CPP.

Faits

Le Ministère public de Winterthur/Unterland instruit une procédure contre deux prévenus. Ceux-ci sont notamment soupçonnés d’infractions contre l’intégrité sexuelle d’une même victime, au cours de la même fête et à peu de temps d’intervalle mais de manière néanmoins indépendante l’un de l’autre.

Le Ministère public disjoint la procédure au motif que les états de fait reprochés aux prévenus sont distincts et que la cause est en état d’être jugée s’agissant de l’un d’entre eux. Celui-ci recourt contre l’ordonnance de disjonction devant le Tribunal cantonal zurichois, puis auprès du Tribunal fédéral.

Droit

Les recours contre des décisions incidentes ne sont recevables devant le Tribunal fédéral que dans les hypothèses visées par les art.Lire la suite

La suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale

TF, 21.04.2020, 2C_804/2019

La suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale est justifiée lorsqu’une autre procédure, présentant une question juridique de principe identique, est pendante au Tribunal fédéral et dont l’arrêt déterminera à titre préjudiciel la transmission des informations dans la procédure en cours.

Faits

L’Administration fédérale des contributions (AFC) accorde l’assistance administrative en matière fiscale au fisc néerlandais au sujet de deux contribuables (cf. art. 26 CDI CH-NL).

Les contribuables forment un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Ils sollicitent la suspension de la procédure, au motif qu’une procédure est pendante au Tribunal fédéral dans laquelle celui-ci est amené à trancher la même question de droit que celle qui se pose dans la présente procédure. Il s’agit de savoir si l’état requérant, avant de formuler une demande de renseignements, doit utiliser tous les moyens de procédure disponibles en droit interne avant de formuler la demande, ou s’il doit seulement épuiser les moyens usuels (principe de subsidiarité ; cf. ch. XVI Ad art. 26 let. a du Protocole additionnel).

Par une décision incidente, le TAF prononce la suspension de la procédure. Contre cette décision, l’AFC forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.… Lire la suite