L’AFC ne doit pas informer les tiers en application de la LPD

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ATF 148 II 349 | TF, 21.12.2021, 2C_825/2019*

Le devoir d’informer les tiers prévu par la Loi sur l’assistance administrative fiscale éteint le devoir d’informer général prévu par la LPD (art. 18a al. 4 let. a LPD).

Fait

En 2017, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) apprend que l’AFC aurait transmis les noms de centaines de personnes à l’Internal Revenue Service des États-Unis (IRS), sans les informer préalablement.

Saisi par le Préposé, le Département fédéral des finances (DFF) confirme la pratique de l’AFC, à savoir ne pas systématiquement informer les tiers.

Sur recours, le Tribunal administratif fédéral considère au contraire, en application de la Loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF), que les tiers doivent être informés (A-5715/2018, résumé in LawInside.ch/817).

L’AFC saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si cette autorité doit informer les personnes non directement visées par la demande d’assistance (les tiers) qu’elle va transmettre leurs informations à l’autorité requérante.

Le Tribunal fédéral suspend la procédure jusqu’au rendu de sa décision publiée à l’ATF 146 I 172 (commenté in LawInside.ch/949/).

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler sa jurisprudence développée dans l’ATF 146 I 172 (commenté in LawInside.ch/949/). Dans cet arrêt, il a précisé à quelles conditions l’AFC doit informer les tiers, en application de l’art. 14 al. 2 LAAF, à savoir uniquement lorsque leur qualité pour recourir est « évidente ».

Le Tribunal fédéral n’a cependant pas encore eu l’occasion de se prononcer sur le devoir d’informer les tiers en application de la LPD.

L’art. 4 al. 4 LPD prévoit que « la collecte de données personnelles, et en particulier les finalités du traitement, doivent être reconnaissables pour la personne concernée ». L’art. 18a al. 1 LPD concrétise ce principe de reconnaissabilité en imposant aux organes fédéraux un devoir d’informer « la personne concernée de toute collecte de données la concernant ». Cela étant, l’art. 18a al. 4 LPD limite ce devoir lorsque la communication des données est expressément prévue par la loi.

Or, comme précisé dans l’ATF 146 I 172, la LAAF prévoit la communication des données des tiers à l’autorité étrangère (art. 4 al. 3 LAAF) et à quelles conditions ils doivent en être informés (art. 14 al. 2 LAAF). Vu que la communication de données en matière d’assistance administrative internationale porte atteinte à la sphère privée et au droit à l’autodétermination informationnelle (art. 13 al. 2 Cst.), le Tribunal fédéral examine encore si l’atteinte à ce droit fondamental est suffisamment précise.

Le caractère suffisamment précis d’une norme limitant le droit fondamental à l’autodétermination informationnelle se mesure à l’aune de la gravité de l’atteinte, en particulier selon la nature des données. Or, les données relatives à une relation bancaire ne sont pas des données sensibles (art. 3 let. c LPD), ce que la CourEDH a déjà constaté (G.S.B. c. Suisse, résumé in LawInside.ch/144).

Étant donné que la communication à l’étranger des données des tiers est expressément prévue par la LAAF et cela de manière suffisamment précise, le devoir d’informer les personnes concernées prévu par l’art. 18a al. 1 LPD s’éteint conformément à l’art. 18a al. 4 LPD.

Partant, l’AFC ne doit pas informer les tiers en application de la LPD. Le Tribunal fédéral admet donc le recours et confirme la décision du DFF susmentionnée.

Note

L’absence de devoir d’informer semble désormais être la règle, tant sous l’angle de la LAAF que de la LPD. Le raisonnement du Tribunal fédéral se fonde néanmoins sur le caractère peu sensible des données transmises. On peut donc encore soutenir que, selon la sensibilité des données concernées, l’exception prévue par l’art. 18a al. 4 let. a LPD ne s’applique pas. L’exception prévue par l’art. 18a al. 4 let. b LPD, expressément laissée ouverte par le Tribunal fédéral dans cet arrêt, peut cependant encore s’appliquer, indépendamment de la sensibilité des données.

À notre avis, les tiers craignant que leurs données soient transmises par l’AFC à une autorité étrangère devraient intenter une procédure civile visant à interdire au détenteur des données (en particulier les banques) de transmettre leurs données à l’étranger. Ils pourront ensuite communiquer à l’AFC le jugement afin de se voir considérer comme « partie préconstituée » et être donc informés avant tout transfert (cf. 2C_310/2020 commenté in cdbf.ch/1169/).

Ce résumé et sa note sont repris du commentaire déjà publié par le même auteur sous cdbf.ch/1245/.

Le devoir d’informer de l’AFC à l’égard de tiers peut être résumé à l’aide du tableau ci-dessous proposé par l’Etude Oberson Abels  :

 

Proposition de citation : Célian Hirsch, L’AFC ne doit pas informer les tiers en application de la LPD, in : https://www.lawinside.ch/1236/

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