L’avocat doit expliquer à son client le jugement reçu (art. 12 let. a LLCA)

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TF, 13.02.2024, 2C_84/2023

Le défenseur d’office ne peut pas se départir de son mandat sans en faire la requête à la direction de la procédure, nonobstant la rupture préalable du lien de confiance (art. 134 al. 2 CPP). Même s’il dénonce son mandat sans droit, il reste lié par son devoir de diligence. En particulier, il reste tenu de proposer des explications sur le jugement et l’opportunité d’un recours, indépendamment de savoir si le client en souhaite effectivement ou non (art. 12 let. a LLCA).

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale, un prévenu représenté par un défenseur d’office est condamné pour meurtre notamment. Le 17 mars 2020, son avocat lui transmet l’arrêt de l’Obergericht de Zurich et lui déclare mettre un terme à son mandat en raison de la réduction de dépens opérée par le tribunal de première instance. Il lui déclare en particulier :

« Étant donné que je dois déjà amortir plusieurs milliers de francs, en tout cas dans votre affaire, d’autres prestations de ma part, comme cette seule lettre, devraient être fournies gratuitement. Vous comprendrez que je ne suis ni prêt ni en mesure de le faire, car notre cabinet d’avocats – contrairement aux tribunaux – travaille selon des principes commerciaux » (traduction libre).

Ce faisant, il invite son client à requérir un nouveau défenseur auprès de la direction de la procédure pour lui expliquer le jugement et l’opportunité d’un recours éventuel au Tribunal fédéral.

Le 31 mars, la direction de la procédure somme l’avocat d’exécuter ses obligations de défenseur d’office immédiatement, sous menace d’une dénonciation à l’autorité de surveillance. Le 15 avril, l’avocat demande à son client s’il a besoin d’explications relatives au jugement d’appel.

Le 15 mai 2020, le président de la IIe chambre pénale de l’Obergericht dénonce l’avocat à la Commission de surveillance des avocat.e.s pour violation de ses obligations de défenseur d’office. Par décision du 2 décembre 2021, la commission prononce une amende de CHF 2’000.- à l’encontre de l’avocat, pour violation de l’art. 12 let. a LLCA.

Le Verwaltungsgericht du canton de Zurich rejette le recours formé par l’avocat. Par recours du 1er février 2023, celui-ci porte l’affaire devant le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le comportement de l’avocat viole l’art. 12 let. a LLCA.

Droit

En vertu de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat doit exercer sa profession avec soin et diligence. Le devoir de diligence imposé par cette disposition se recoupe essentiellement avec celui de l’art. 398 al. 2 CO. Cependant, l’art. 12 LLCA s’applique non seulement entre l’avocat et son client, mais couvre l’ensemble de l’activité, notamment les relations avec la partie adverse et les autorités. De ce devoir découle notamment l’obligation de communiquer et d’informer, qui impose à l’avocat d’informer son client de manière complète sur l’affaire et les risques qu’elle comporte. À l’aune de la sanction la moins incisive prévue par la loi, soit l’avertissement (art. 17 al. 1 let. a LLCA), il sied de ne pas poser des exigences élevées pour retenir un manquement.

En vertu de son devoir d’information, l’avocat aurait dû immédiatement proposer à son client des informations quant aux options, aux risques et aux opportunités liés à une éventuelle poursuite de la procédure, compte tenu notamment des accusations pénales portées contre lui. Au regard du délai de recours pendant, cette information aurait dû être fournie d’autant plus rapidement.

Or, en l’espèce, l’avocat a d’abord renoncé à proposer un entretien et une explication à son client, lui a déclarant que « [s]on travail se termine ici » (traduction libre). Cependant, pour être valablement libéré d’un mandat de défense d’office, il sied d’en faire la requête auprès de la direction de la procédure (art. 134 al. 2 CPP). À défaut, l’avocat était encore lié par son devoir d’information, nonobstant la prétendue rupture préalable du lien de confiance (non examinée en fait par les autorités précédentes).

L’avocat prétend que son client ne souhaitait pas du tout d’explication du jugement. Par conséquent, il soutient que le devoir de diligence ne saurait lui imposer de fournir des explications alors que le client n’en souhaite pas. Ce faisant, il perd de vue qu’il ne lui est pas reproché d’avoir omis de fournir des explications à son client, mais de ne pas lui en avoir proposé, tout en dénonçant le mandat sans droit. Ce comportement porte atteinte aux intérêts du client et viole le devoir de diligence prescrit par l’art. 12 let. a LLCA. Partant, le Tribunal fédéral confirme l’arrêt de l’Obergericht et rejette le recours.

Note

L’avocat invoque encore une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), au motif que la direction de la procédure l’avait sommé d’exécuter ses obligations en indiquant qu’à défaut elle le dénoncerait à l’autorité de surveillance. Selon lui, cette menace de dénonciation signifierait que s’il exécutait ses obligations, la direction s’abstiendrait de le dénoncer. Selon le Tribunal fédéral, il n’est pas possible de déduire d’une telle menace que la direction de la procédure ne le dénoncerait pas s’il se conformait à sa sommation. De surcroît, le fait que l’avocat ait finalement proposé des explications à son client ne change rien au fait que, par sa lettre du 17 mars, il a déjà commis une violation de l’art. 12 LLCA, que la direction était tenue de dénoncer à l’autorité de surveillance (art. 15 al. 1 LLCA).

Proposition de citation : Ismaël Boubrahimi, L’avocat doit expliquer à son client le jugement reçu (art. 12 let. a LLCA), in : www.lawinside.ch/1422/