La garde alternée et l’autorité parentale

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TF, 20.12.2023, 5A_33/2023*

Il n’est pas possible de confier l’autorité parentale exclusive à l’un des parents en cas de garde alternée. Cette dernière suppose en effet l’autorité parentale conjointe, sous réserve de l’attribution du pouvoir de décision exclusif à un parent dans certains domaines lorsque cela se justifie.

Faits

Les parents de deux enfants se séparent après leur mariage. Ils concluent une convention réglant partiellement les effets de leur divorce, à l’exception de l’autorité parentale. Le Bezirksgericht zurichois attribue l’autorité parentale exclusive à la mère, tout en prévoyant la garde alternée entre les deux parents.

L’Obergericht zurichois rejette l’appel du père tendant principalement au prononcé de l’autorité parentale conjointe. L’intéressé interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit examiner s’il est possible de prononcer l’autorité parentale exclusive alors que la garde alternée est prévue.

Droit

Le Tribunal fédéral examine le point contesté de l’autorité parentale, attribuée exclusivement à la mère malgré le prononcé de la garde alternée. Selon l’Obergericht, cette décision se justifie par l’existence d’un conflit prolongé et grave entre les parents, doublé d’une incapacité persistante à coopérer et à communiquer. Les parents n’auraient pas été capables de s’entendre sur la majeure partie des questions relevant de l’autorité parentale, ou en tout cas pas dans un délai raisonnable.

Cette situation nécessite donc pour l’Obergericht d’attribuer l’autorité parentale exclusive à la mère dans l’intérêt des enfants, faute de quoi ils seraient exposés à un conflit de loyauté permanent qui aurait des répercussions sur leur bien-être. Une limitation de l’autorité parentale exclusive à certains domaines n’aurait pas été à même de pallier le problème de fond.

Le Tribunal fédéral rappelle que l’autorité parentale conjointe des parents constitue le principe dans le contexte d’un divorce (art. 133 al. 1 ch. 1 CC cum art. 296 al. 2 CC). Le·la juge ne déroge à ce principe qu’à condition qu’une autre solution préserve mieux les intérêts de l’enfant. L’attribution de l’autorité parentale à un seul des parents doit donc rester une exception étroitement limitée, qui entre notamment en ligne de compte lorsque les parents sont en conflit permanent et grave ou sont durablement incapables de communiquer en ce qui concerne l’enfant.

Il faut en outre que les problèmes entre les parents se rapportent aux intérêts de l’enfant dans son ensemble et qu’ils portent concrètement atteinte au bien de l’enfant (cf. art. 298 al. 1 CC). Enfin, déroger au principe de l’autorité parentale conjointe n’est possible que lorsque l’attribution de l’autorité parentale à un seul parent a des chances de soulager la situation.

En l’espèce, les parents bénéficient de la garde alternée, ce qui n’est pas contesté devant le Tribunal fédéral. Cela exerce toutefois une influence sur la décision relative à l’autorité parentale. En effet, selon le droit en vigueur, l’autorité examine la possibilité d’une garde alternée en cas d’autorité parentale conjointe (art. 298 al. 2ter CC lorsque les parents sont mariés ; art. 298b al. 3ter CC lorsqu’ils ne le sont pas).

Introduire la garde alternée ne peut donc s’envisager que dans le cadre de l’autorité parentale conjointe. A contrario, la loi ne donne pas la possibilité d’attribuer à l’un des parents la garde (conjointe avec l’autre parent) sans autorité parentale. L’attribution de la garde requiert dans tous les cas l’autorité parentale du parent concerné.

Partant, l’Obergericht a erré en confirmant l’autorité parentale exclusive de la mère, malgré la garde alternée prononcée entre les parents. Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l’affaire à l’Obergericht.

Proposition de citation : Camille de Salis, La garde alternée et l’autorité parentale, in : www.lawinside.ch/1429/