La transmissions des données aux Etats-Unis d’un ex-employé de banque par l’AFC

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ATF 143  II 506 | TF, 23.08.2017, 2C_792/2016*

L’ex-employé de banque a un intérêt digne de protection à ce que l’AFC ne transmette pas ses données au fisc américain.

Faits

Dans le cadre du Joint Statement conclu en 2013 entre le Département fédéral des finances et le Département de la justice des États-Unis, une banque rejoint la catégorie 2 et s’engage donc à livrer des informations sur ses relations transfrontalières aux États-Unis.

Suite à une requête d’un ancien employé de la banque, le Tribunal de première instance de Genève fait interdiction à la banque de transmettre les données de son ancien employé à des tiers ou à des États tiers.

En 2015, l’Internal Revenue Service des États-Unis (IRS) adresse une demande d’assistance administrative internationale à l’Administration fédérale des contributions (AFC) concernant un compte bancaire déterminé ouvert auprès de la banque.

La banque donne tout d’abord à l’AFC une documentation bancaire avec les données de l’employé caviardées, et remet par la suite les documents non caviardés sous scellés, sur ordre de l’AFC.

L’ex-employé informe alors l’AFC qu’il s’oppose à la transmission de son nom à l’IRS, requête qui est déclarée irrecevable par l’AFC.

Le Tribunal administratif fédéral admet le recours de l’employé contre ce prononcé et renvoie la cause à l’AFC afin qu’elle se prononce sur la demande de caviardage.

Contre cet arrêt, l’AFC interjette recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à trancher la question de l’intérêt digne de protection de l’employé en lien avec la transmission de ses données par l’AFC à une autorité étrangère.

Droit

Concernant la recevabilité, soumise à la condition qu’une question juridique de principe se pose (art. 84a LTF), le Tribunal fédéral retient que la question qu’il doit trancher est d’une grande importance pour la pratique et n’a encore jamais été tranchée. Dès lors, le recours est recevable.

Le Tribunal fédéral constate en premier lieu que la CDI CH-US ne contient aucune disposition de nature procédurale. Dès lors, la LAAF et la PA à laquelle celle-ci renvoie (art. 5 al. 1 LAAF) trouvent application au cas d’espèce.

L’art. 19 al. 2 LAAF prévoit que la personne concernée ainsi que les autres personnes qui remplissent les conditions prévues à l’art. 48 PA ont qualité pour recourir. L’art. 48 al. 1 PA prévoit notamment comme condition l’existence d’un intérêt digne de protection. Cet intérêt, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération.

L’art. 4 al. 3 LAAF précise que la transmission de renseignements concernant des personnes qui ne sont pas des personnes concernées est exclue lorsque ces renseignements ne sont pas vraisemblablement pertinents pour l’évaluation de la situation fiscale de la personne concernée ou lorsque les intérêts légitimes de personnes qui ne sont pas des personnes concernées prévalent sur l’intérêt de la partie requérante à la transmission des renseignements. En application de cette disposition, l’AFC doit faire en sorte que les noms des employés de banque contenus dans la documentation transmise à l’État requérant soient caviardés, sauf si ceux-ci apparaissent, pour un motif ou un autre, vraisemblablement pertinents et leur remise proportionnée.

Ainsi, si l’AFC renonce à supprimer les noms des collaborateurs de la banque qui fournit les renseignements, c’est parce qu’elle estime que leur identité est en lien avec la question fiscale formulée dans la demande ou qu’à tout le moins, ce renseignement a une certaine pertinence justifiant qu’il ne soit pas biffé. Dans ce cas, l’employé possède alors un intérêt digne de protection au sens de l’art. 48 PA à ce qu’il soit vérifié que les autorités suisses ne fournissent pas ses coordonnées en violation de l’art. 4 al. 3 LAAF. Par conséquent, l’employé est en droit de demander à l’AFC le caviardage des données qui le concernent. Il appartient ensuite à celle-ci de rejeter la demande le cas échéant. Le même raisonnement s’applique en lien avec la LPD.

De plus, l’intérêt digne de protection résulte également de la décision rendue par le juge civil. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs récemment confirmé l’interdiction faite à une banque de livrer des données concernant des tiers à l’IRS (4A_83/2016, résumé in : LawInside.ch/324). Dès lors, l’employé qui bénéficie d’une telle protection sur le plan civil dispose également d’un intérêt digne de protection à saisir l’AFC.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours de l’AFC.

Note

Cet arrêt a fait l’objet d’un commentaire sur le site du CDBF (Laurent Hirsch, Contentieux fiscal US : Qualité de partie de l’employé de banque dans la procédure d’entraide fiscale, publié le : 14 Sep 2017 par le Centre de droit bancaire et financier, https://www.cdbf.ch/982). L’auteur souligne notamment que, “au-delà de l’analyse juridique sous l’angle du droit suisse, la question pratique pourrait être de savoir si les Etats-Unis se contenteront de ce qu’ils reçoivent ou s’ils entendent insister pour recevoir plus d’informations concernant les employés et ex-employés” (mise en évidence ajoutée).

Proposition de citation : Célian Hirsch, La transmissions des données aux Etats-Unis d’un ex-employé de banque par l’AFC, in : www.lawinside.ch/507/

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