La responsabilité d’un administrateur en cas de non-paiement de primes d’assurance

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ATF 141 III 112 | TF, 12.01.2015, 4A_428/2014*

Faits

À la suite d’une maladie, un employé d’une société anonyme n’est plus en mesure d’exercer son activité. La société informe l’assurance accident de cet événement. La compagnie d’assurance refuse de verser des indemnités journalières à l’employé en raison du fait que la société n’a pas payé les primes d’assurance.

Sur plainte de l’employé, les deux administrateurs de la société sont pénalement condamnés pour détournement de retenues sur les salaires (art. 159 CP). Par la suite, la société tombe en faillite. Dans le cadre de la liquidation, l’employé fait valoir une créance de 57’000 francs contre la société qui couvre les indemnités pour pertes de gain qu’il n’a pas touchées. Après distribution des actifs, l’employé reçoit un acte de défaut de biens pour un montant de 50’000 francs.

L’employé actionne les deux administrateurs en responsabilité sur la base de l’art. 754 CO afin qu’ils soient condamnés au paiement d’un montant correspondant aux indemnités journalières non perçues. Après avoir perdu en instance cantonale, les administrateurs forment un recours en matière de civil auprès du Tribunal fédéral.

Il se pose la question des conditions de la responsabilité des administrateurs d’une société anonyme face à un employé de la société.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu’en matière de responsabilité d’un administrateur d’une société anonyme, il convient de distinguer trois situations :

Premièrement, le comportement d’un administrateur cause un dommage au créancier, sans que la société ne soit lésée. Le créancier est seul à subir un dommage direct. Dans cette situation, il peut agir à titre individuel contre l’administrateur sur la base de l’art. 754 CO en fondant son action sur un acte illicite au sens de l’art. 41 CO, une culpa in contrahendo ou une norme du droit des sociétés conçue notamment pour protéger les intérêts des créanciers.

Deuxièmement, le comportement d’un administrateur cause en premier lieu un dommage à la société (dommage direct), alors que le créancier n’est lésé qu’en second lieu en cas de faillite de la société (dommage indirect). Tant que la société n’est pas en faillite, le créancier ne subit pas de dommage et ne peut pas agir contre l’administrateur (art. 757 CO).

Troisièmement, l’administrateur cause un dommage direct à la foi à la société et au créancier. Dans cette situation, le créancier n’est autorisé à agir contre les administrateurs sur la base de l’art. 754 CO que s’il fonde son action sur un acte illicite au sens de l’art. 41 CO, une culpa in contrahendo ou une norme du droit des sociétés conçue exclusivement pour protéger les intérêts des créanciers.

En l’espèce, le comportement des administrateurs, qui consiste au non-paiement des primes, a causé un dommage à la foi à la société et à l’employé. Partant, on se trouve dans la troisième situation. Le non-paiement des primes constitue un acte illicite au sens de l’art. 41 CO puisqu’il est contraire à l’art. 159 CP (illicéité de comportement – Schutznorm). Par conséquent, l’employé peut agir contre les administrateurs sur la base de l’art. 754 CO en fondant son action sur un acte illicite au sens de l’art. 41 CO.

Le recours des administrateurs est rejeté.

Proposition de citation : Alborz Tolou, La responsabilité d’un administrateur en cas de non-paiement de primes d’assurance, in : www.lawinside.ch/13/

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