Les données clients remises aux autorités américaines : un contournement de l’entraide pénale ?

ATF 148 IV 66 | TF, 01.11.2021, 6B_216/2020*

L’art. 271 al. 1 ch. 1 CP (actes exécutés sans droit pour un État étranger) trouve application lorsqu’une personne remet à une autorité étrangère des données non librement accessibles, alors que la remise de ces données devait avoir lieu par la voie de l’entraide ou de l’assistance internationale.

Droit

Dans le cadre du conflit fiscal entre la Suisse et les États-Unis, une société suisse de gestion de fortune constate qu’un certain nombre de ses clients ne sont pas déclarés auprès du fisc américain. Le président du conseil d’administration de la société se dénonce auprès du Department of Justice américain (DoJ) en vue d’un Non-Prosecution Agreement. Cette autorité refuse de déposer une demande d’assistance administrative ou judiciaire afin d’obtenir les dossiers des clients non déclarés.

Le président du conseil d’administration de la société se rend alors aux États-Unis. Il transmet une clé USB qui contient les noms de 109 clients au DoJ, sans avoir préalablement obtenu une autorisation au sens de l’art. 271 ch. 1 CP.

La FINMA dénonce l’administrateur au Ministère public de la Confédération (MPC). L’autorité pénale ouvre une procédure à son encontre pour violation de l’art.Lire la suite

Affaire Petrobras : proportionnalité de la confiscation et compatibilité avec l’accord de coopération (1/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.

Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite

Extension de la prescription pénale des génocides et crimes contre l’humanité

Tribunal pénal fédéral, 23.09.2021, BB.2021.141

En exception au principe de la lex mitior, les infractions de génocide et de crimes contre l’humanité doivent être poursuivies en Suisse dans la mesure où la poursuite n’était pas prescrite, sous l’angle du droit national, au 1er janvier 1983 (génocide), respectivement au 1er janvier 2011 (crimes contre l’humanité), et ce même si elles ont été commises avant l’entrée en vigueur des dispositions les réprimant (art. 264 et 264a CP).

Faits

En avril 1990, alors qu’il se trouve en Suisse, un ancien diplomate et militant iranien connaît une mort violente. Le Ministère public du canton de Vaud ouvre une instruction à l’encontre de treize prévenus pour assassinat. En mai 2020, suite à de nombreux actes d’enquêtes, il informe les parties plaignantes de son intention de classer la procédure, les infractions étant prescrites. Le frère de la victime, constitué partie plaignante (ci-après : le recourant), estime que les faits sont en relation directe avec le massacre de trente mille prisonniers politiques perpétré en Iran en 1988, sous couvert de la fatwa prononcée par le guide suprême Khomeini. Il dénonce les actes commis par les prévenus comme étant constitutifs de génocide et de crimes contre l’humanité au sens des art.Lire la suite

Le faux témoignage d’une personne entendue à tort en qualité de témoin (art. 307 CP)

ATF 147 IV 373 | TF, 02.06.2021, 6B_1022/2020*

Une personne auditionnée à tort en tant que témoin ne peut commettre, y compris à titre de tentative, un faux témoignage au sens de l’art. 307 CP. En effet, puisque cette personne ne revêt en réalité pas la qualité de témoin, elle ne peut violer l’obligation de dire la vérité qui incombe à ce statut.

Faits

Un couple marié est victime de brigandage. Au cours de l’enquête policière, l’épouse indique faussement que c’était elle, et non son mari, qui conduisait le véhicule dans lequel ils se trouvaient juste avant le brigandage. Elle réitère ces propos lorsqu’elle est auditionnée par le Ministère public en tant que témoin dans le cadre d’une procédure pénale à l’encontre de son mari pour conduite en état d’incapacité.

Le Bezirksgericht zurichois condamne cette femme pour faux témoignage (art. 307 CP) et multiples tentatives d’entrave à l’action pénale (art. 305 CP).

Sur appel, l’Obergericht zurichois reconnaît que le Ministère public aurait dû entendre la prévenue en tant que personne appelée à donner des renseignements, et non en tant que témoin, lors de l’audition  dans l’enquête concernant la conduite en état d’incapacité, car il existait déjà à son encontre un soupçon d’entrave à l’action pénale en faveur de son mari.… Lire la suite

La libération conditionnelle du pédophile septuagénaire après un long internement

ATF 147 I 259 | TF, 24.03.2021, 6B_124/2021*

Pour évaluer le risque de récidive en vue d’une éventuelle libération conditionnelle de l’internement (art. 64a CP), on peut prendre en compte des délits non susceptibles, per se, de motiver le prononcé de l’internement, comme la consommation de pornographie enfantine. L’âge avancé d’un délinquant sexuel ne permet pas toujours de minimiser le risque de récidive. Un concept reposant sur la mise en place d’une surveillance étroite de l’auteur après sa mise en liberté pour prévenir un passage à l’acte est irréaliste et irresponsable.

Faits

Un homme abuse sexuellement de plusieurs garçons prépubères. En 2003, il est reconnu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP). En sus d’une peine privative de liberté, le tribunal prononce son internement selon l’ancien droit. Ultérieurement, l’autorité compétente ordonne la continuation de cette mesure selon le nouveau droit (art. 64 CP).

En 2012, il s’avère que le détenu possède de la pornographie enfantine dans l’établissement pénitentiaire. Ceci donne lieu à une condamnation en vertu de l’art. 197 al. 5 CP. L’affaire monte jusqu’au Tribunal fédéral, qui confirme le verdict (TF, 09.01.2018, 6B _557/2017).… Lire la suite