Les doutes suffisants quant à la présomption du caractère abusif du loyer initial

TF, 29.11.2023, 4A_121/2023*

Pour écarter la présomption de fait selon laquelle un loyer initial est abusif, la bailleresse doit soulever des doutes suffisants quant à l’exactitude de cette présomption. Les éléments qui permettent de soulever ces doutes, comme ceux qui ont trait à la comparabilité des biens immobiliers proposés avec le bien litigieux, ne doivent pas être examinés avec une rigueur trop grande.

Faits

Une locataire prend à bail un appartement de deux pièces à Zurich. Le contrat prévoit un loyer mensuel net de CHF 1’060, charges en sus, tandis que le loyer précédent était de CHF 738, charges en sus. La bailleresse justifie l’augmentation du loyer par l’adaptation aux conditions usuelles de la localité et du quartier.

Le Tribunal des baux et l’Obergericht déclarent le loyer abusif. Le Tribunal fédéral annule le jugement de l’Obergericht (ATF 147 III 431, résumé in LawInside.ch/1071). Après le renvoi de l’affaire au Tribunal des baux, ce dernier déclare une nouvelle fois le loyer abusif.

L’Obergericht rejette l’appel de la bailleresse, qui saisit le Tribunal fédéral une seconde fois. Ce dernier doit déterminer si l’Obergericht a eu raison de considérer que la bailleresse n’avait pas été en mesure d’écarter la présomption du caractère abusif du loyer initial.… Lire la suite

Autonomie de la clause compromissoire et capacité de discernement

TF, 04.09.2023, 4A_148/2023*

Conformément au principe de l’autonomie de la clause compromissoire (cf. art. 178 al. 3 LDIP), la capacité de discernement s’examine à l’égard de celle-ci indépendamment du contrat de base. Une incapacité de discernement à l’égard du contrat de base n’implique pas nécessairement une telle incapacité à l’égard de la clause d’arbitrage et inversement.

Faits

Un géologue, père de quatre enfants, fonde un groupe de sociétés actif dans le domaine de l’exploration et du forage pétrolier. Le groupe comprend notamment une société néerlandaise et sa filiale, néerlandaise également, ainsi que trois sociétés de droit panaméen. Le géologue et ses quatre fils occupent des postes d’administrateurs dans diverses sociétés du groupe.

Par contrat signé en 2010, la filiale néerlandaise prête à l’une des sociétés panaméennes quatre-vingts millions d’euros. Puis, la société mère néerlandaise prête également à cette dernière le montant de soixante millions d’euros en 2011. Les deux contrats de prêt sont dotés d’une clause compromissoire.

Dès 2015, des doutes apparaissent dans la famille quant à la santé mentale du géologue, alors âgé de 86 ans, et sa capacité à prendre des décisions relatives au groupe. Il apparaît que ce dernier souffre d’une altération de la mémoire et d’un diabète sévère altérant ses facultés physiques et mentales depuis plusieurs années.… Lire la suite

La tenue d’une audience publique en cas de sanctions administratives

TF, 14.11.2023, 2C_384/2022

Les garanties de l’art. 6 para. 1 CEDH s’appliquent aux procédures de sanctions administratives lorsque celles-ci portent atteinte aux droits et obligations privés de l’administré. Si l’instance de recours est le premier tribunal à traiter de l’affaire, elle doit respecter les garanties en question ; en particulier, sauf exception, elle doit tenir une audience publique lorsque l’administré en fait la demande.

Faits

L’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR) accorde un agrément d’expert-réviseur ainsi qu’un agrément d’audit à un professionnel selon les lois sur les marchés financiers. À la suite d’un contrôle, l’ASR rend deux rapports d’inspection sur l’activité de l’expert-réviseur. Le premier concerne l’audit financier et constate des violations des règles sur l’indépendance dans l’exécution d’un mandat. Le second concerne l’audit prudentiel et constate des lacunes importantes de surveillance dans l’exécution d’un mandat.

L’ASR révoque par décision les agréments d’expert-réviseur et d’audit du professionnel pour une durée de quatre ans. Ce dernier forme recours au Tribunal administratif fédéral, lequel réduit la durée de la révocation de l’agrément à trois ans mais rejette le recours pour le reste. L’expert-réviseur forme alors recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la tenue d’une audience publique dans une procédure de retrait d’agrément.… Lire la suite

La production de documents issus de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire

TF, 30.11.2023, 7B_215/2023*

La nouvelle loi fédérale du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (LCJ) entrée en vigueur le 23 janvier 2023 laisse la possibilité aux experts, respectivement aux autorités pénales, de se référer à des pièces issues de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire. La proportionnalité de la mesure est garantie par le contrôle judiciaire de la décision qui doit être motivée. Vu en particulier le droit à l’oubli et à la réhabilitation, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent au demeurant être démontrés minutieusement.

Faits

En novembre 2022, un père est appréhendé à l’étranger en compagnie de ses deux enfants alors que son droit aux relations personnelles avec eux est suspendu. Il est remis le 5 janvier 2023 aux autorités suisses et est notamment mis en prévention d’enlèvement de mineur (art. 220 CP) et de séquestration (art. 183 CP).

Le Ministère public en charge de l’instruction décide de soumettre le prévenu à une expertise psychiatrique. Dans ce contexte, par ordonnance du 16 février 2023, le Ministère public ordonne l’apport de plusieurs pièces, dont notamment des pièces provenant de deux procédures pénales terminées et dont les jugements, en raison de l’écoulement du temps, ne figurent plus au casier judiciaire.… Lire la suite

L’obligation de verser le salaire en cas de fermeture d’entreprise dans le contexte du COVID-19

TF, 30.08.2023, 4A_53/2023*

Les fermetures d’entreprises ordonnées dans le cadre des mesures de lutte contre le COVID-19 ne constituent pas un risque à charge de l’employeur. L’empêchement d’exploitation qui en découle constitue une raison objective tenant en échec la demeure de l’employeur au sens de l’art. 324 CO. Partant, l’employeur n’est pas tenu de verser le salaire.

Faits

Trois enseignants travaillent dans un internat exploité par une société anonyme. En janvier 2020, les enseignants résilient leur contrat de travail pour fin août de la même année.

Suite à la fermeture de l’internat consécutive aux mesures d’urgence liées à la crise du Coronavirus, l’établissement dispense ses cours uniquement en ligne. En avril, l’internat informe les enseignants qu’il va réduire leur salaire à hauteur de la baisse de leur temps de travail résultant de la fermeture de l’établissement. Il les informe également, qu’ayant déjà résilié leur contrat de travail, ils ne peuvent pas bénéficier du chômage partiel.

Face au constat que les enseignants présentent un déficit d’heures à hauteur de 123, 129.5 et 176 heures, l’internat réduit leurs salaires des mois de juillet et août en conséquence, soit de 3’405.5, 3’599.20 et 6’406.40 francs.

Après avoir contesté la réduction, les enseignants ouvrent action contre l’internat au Kreisgericht de Saint-Gall et obtiennent gain de cause.… Lire la suite