Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

La saisie prioritaire (Vorfahrprivileg) en cas d’avance des contributions d’entretien par la collectivité publique

ATF 145 III 317 | TF, 30.04.2019, 5A_490/2018*

Le droit à la saisie prioritaire (Vorfahrprivileg) du créancier d’aliments est strictement personnel. La collectivité publique qui avance les contributions d’entretien (art. 289 CC) ne peut s’en prévaloir.

Faits

Un père ne s’acquitte pas des contributions d’entretien dues à ses enfants. La commune compétente avance les montants correspondants, puis fait notifier un commandement de payer au père, en vue du recouvrement des montants avancés. Le poursuivi ne formant pas opposition au commandement de payer, la commune requiert la continuation de la poursuite.

L’office des poursuites procède à la saisie des revenus futurs du père défaillant, dans la mesure où ils excèdent le minimum vital. Ces revenus font toutefois l’objet d’une saisie préexistante en faveur d’autres créanciers. Faute d’éléments de preuve suffisants, il n’a pas été tenu compte de l’obligation d’entretien pour déterminer le minimum vital du débiteur lors de cette saisie antérieure.

Dans ce contexte, la commune sollicite le bénéfice d’une saisie prioritaire (Vorfarhrprivileg). Les différentes instances cantonales compétentes le lui refusent.

La commune recourt auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la collectivité publique qui a avancé les montants de contributions d’entretien et agit en recouvrement contre le débirentier bénéficie du droit à la saisie prioritaire (Vorfahrprivileg).… Lire la suite

La qualité pour recourir contre la décision d’autoriser la vente d’un immeuble agricole

ATF 145 II 328TF, 07.05.2019, 2C_711/2018*

Pour pouvoir recourir contre la décision d’autoriser la vente d’un immeuble agricole (art. 83 al. 3 LDFR) en qualité d’exploitant potentiel à titre personnel (art. 64 al. 1 let. f LDFR), il n’est pas nécessaire d’avoir formulé une offre ferme au sens des art. 3 ss CO pour la parcelle concernée. Il suffit d’avoir manifesté un intérêt pour l’acquisition de cette parcelle suite à l’appel d’offres public requis par la loi.

Faits

Les propriétaires d’un domaine viticole concluent une vente à terme conditionnelle. L’acquéreur n’entend pas exploiter lui-même le domaine. La vente est conclue sous condition suspensive de l’obtention de l’autorisation de la Commission foncière compétente.

Conformément aux exigences de la Loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR), un appel d’offres public faisant état de la vente prévue est publié dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud

Suite à l’appel d’offres, un exploitant agricole manifeste son intérêt pour le domaine, sous réserve de l’obtention d’un prêt hypothécaire. Dans ce contexte, il sollicite la détermination du prix licite du domaine.

Un expert mandaté par la Commission foncière détermine le prix licite du domaine à une valeur supérieure au prix convenu dans l’acte de vente à terme.… Lire la suite

La faillite de l’entreprise ferroviaire

ATF 145 III 374 | TF, 12.06.2019, 5A_280/2019*

La procédure spéciale d’exécution forcée selon la LGEL ne s’applique pas aux entreprises de transport ferroviaire qui ne détiennent aucune infrastructure. Le Tribunal fédéral ne peut prononcer la liquidation selon la LGEL en l’absence d’un jugement de faillite rendu par le juge ordinaire de la faillite (revirement de jurisprudence). La compétence confiée au TF par la LGEL n’est plus conforme à l’organisation judiciaire fédérale actuelle et pourrait constituer une lacune (question laissée ouverte).

Faits

Un créancier poursuit une société active dans le domaine du transport ferroviaire de marchandises pour une importante créance en dommages-intérêts. La société ne forme pas opposition contre le commandement de payer.

Le créancier agit alors simultanément devant le Tribunal fédéral selon la Loi fédérale concernant la constitution de gages sur les entreprises de chemins de fer et de navigation et la liquidation forcée de ces entreprises (“LGEL”) et devant le juge cantonal de la faillite selon la LP, en vue de la mise en liquidation de la société débitrice. Le juge cantonal de la faillite suspend la procédure en l’attente du jugement fédéral.

Le Tribunal fédéral est ainsi appelé à préciser le champ d’application de la LGEL, ainsi que la répartition des compétences entre le juge ordinaire de la faillite et le Tribunal fédéral en cas d’application de cette loi.… Lire la suite

Le recours au Tribunal fédéral contre la reconnaissance d’une faillite bancaire étrangère

ATF 145 II 168 | TF, 28.05.2019, 2C_105/2018*

La décision par laquelle la FINMA reconnaît la mise en liquidation d’une banque étrangère et remet le patrimoine détenu en Suisse par ladite banque à l’autorité étrangère compétente (art. 37g LB) constitue un acte d’entraide administrative internationale. Elle ne peut dès lors faire l’objet d’un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral (art. 83 let. h LTF).

Faits

En 2015, les autorités américaines excluent Banca Privada d’Andorra (BPA) du système financier américain suite à des soupçons de blanchiment. L’autorité compétente andorrane, l’Agència Estatal de Resoluciòn d’Entitats Bancàries (AREB), décide alors de la mise en liquidation de BPA.

BPA détient une position relative à des espèces et des effets de change auprès d’une banque suisse pour le compte de clients domiciliés en Suisse.

L’AREB demande à la FINMA la reconnaissance de la décision de liquidation relative à BPA. Par décision du 13 mars 2017, la FINMA fait droit à cette demande et retient que les avoirs de BPA auprès de la banque suisse susvisée peuvent être remis à l’AREB sans procédure de liquidation ancillaire en Suisse.

Les ayants droits économiques des espèces et des effets de change détenus par BPA en Suisse recourent contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral.… Lire la suite

La poursuite en Suisse de la succession soumise au droit anglais

ATF 145 III 205 | TF, 10.05.2019, 5A_488/2018*

Le personal representative (administrator) de droit anglais s’apparente à l’exécuteur testamentaire de droit suisse et non au liquidateur officiel de la succession. Partant, la désignation d’un personal representative ne fait pas obstacle à la poursuite individuelle du défunt selon l’art. 49 LP.

Faits

Le Tribunal de première instance de Genève ordonne le séquestre des avoirs bancaires suisses d’un résident britannique. Ce dernier décède en cours de procédure de validation du séquestre.

La High Court of Justice compétente en Grande-Bretagne fait savoir que l’administration de la succession est dévolue ex lege au représentant personnel (personal representative) du défunt. Le Tribunal de première instance de Genève reconnaît et déclare exécutoire cette décision.

Le représentant personnel du défunt demande à l’office des poursuites de constater la caducité du séquestre et de lever celui-ci, au motif que sa désignation est analogue à celle d’un liquidateur officiel et que la succession ne peut dès lors plus faire l’objet d’une poursuite individuelle. L’office rejette cette requête et maintient le séquestre. Le représentant forme une plainte (art. 17 LP) contre cette décision, sans succès.

Il recourt auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la qualité de personal representative de droit anglais correspond à celle du liquidateur officiel de droit suisse, auquel cas la succession ne pourrait plus faire l’objet d’une poursuite individuelle (art.Lire la suite