L’intervention dans la procédure de preuve à futur

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ATF 142 III 40 | TF, 04.01.2016, 4A_352/2015*

Faits

Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, certains travaux sont réalisés par une sous-traitante.

Un litige relatif à l’ensemble des travaux survient entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur. Le maître d’ouvrage dépose une requête de preuve à futur en vue de la conduite d’une expertise sur la conformité des travaux. Le tribunal fait droit à cette requête, désigne un expert et définit le mandat de celui-ci.

Entretemps, le maître d’ouvrage ouvre action au fond à l’encontre de l’entrepreneur, qui dénonce l’instance (art. 78 CPC) à sa sous-traitante. La sous-traitante requiert alors de pouvoir intervenir (art. 74 CPC) dans la procédure de preuve à futur, ce qui lui est refusé par toutes les instances cantonales.

Sur recours de la sous-traitante, le Tribunal fédéral statue sur l’admissibilité de l’intervention accessoire dans une procédure de preuve à futur « hors procès ».

Droit

Une procédure de preuve à futur peut intervenir en tout temps, soit également en dehors de tout procès, lorsque les conditions légales en sont remplies (art. 158 CPC).

En vertu de l’art. 74 CPC, quiconque rend vraisemblable un intérêt juridique à ce que l’une des parties à un litige pendant ait gain de cause peut en tout temps intervenir à titre accessoire.

La procédure de preuve à futur « hors procès » n’aboutit certes pas à une décision sur le fond du litige, de telle sorte que l’exigence de l’art. 74 CPC que l’une des parties ait gain de cause ne peut être remplie. Toutefois, la procédure de preuve à futur, bien que formellement indépendante, n’a de sens qu’en lien avec une future procédure au fond dans laquelle la preuve administrée à futur sera exploitée. Dans ces circonstances, l’intervention accessoire doit être admise dans une procédure de preuve à futur « hors procès », pour autant que celui qui requiert de pouvoir intervenir rende vraisemblable qu’il pourra également intervenir dans un éventuel procès au fond et qu’il a de ce fait un intérêt à participer à la procédure en preuve à futur. Cette solution emporte au demeurant l’approbation unanime de la doctrine.

En l’espèce, l’entrepreneur pourra se retourner contre la sous-traitante si des défauts lui sont imputables. Le procès au fond était en outre déjà pendant au moment de la requête d’intervention et avait été dénoncé à la sous-traitante. Partant, la sous-traitante a un intérêt manifeste à pouvoir participer à la procédure en preuve à futur.

En l’espèce, la requête d’intervention a toutefois été jugée tardive par l’instance précédente au motif que l’expert avait déjà été nommé et sa mission définie. Cette conclusion doit être qualifiée d’arbitraire. Elle contredit en effet manifestement l’art. 74 CPC qui admet l’intervention « en tout temps  », soit en tout état de cause, y compris pendant la procédure d’appel ou de recours au niveau cantonal, une première intervention lors du recours devant le Tribunal fédéral n’étant en revanche pas admissible au regard de l’art. 76 LTF, qui n’accorde la qualité de partie qu’aux personnes ayant pris part à la procédure devant l’autorité précédente. Par ailleurs, la procédure de preuve à futur ne prend pas fin avec la désignation de l’expert et la fixation de sa mission. La sous-traitante pourrait en particulier encore participer à l’administration de l’expertise, se voir communiquer le rapport de l’expert et lui poser des questions complémentaires (art. 185 al. 2 et 187 al. 4 CPC).

Au regard de ce qui précède, le recours et la requête d’intervention accessoire sont admis. L’affaire est renvoyée au tribunal de première instance pour suite de la procédure de preuve à futur.

 

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, L’intervention dans la procédure de preuve à futur, in : https://www.lawinside.ch/161/