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L’interruption de la prescription par le dépôt d’une action dans la mauvaise monnaie

TF, 08.11.2022, 4A_298/2021*

L’introduction d’une demande en paiement qui contient des conclusions dans la mauvaise monnaie interrompt le délai de prescription de la demande dans la monnaie exacte.

Faits

En 2006, une patiente domiciliée en France est opérée à Genève. Après l’opération, elle dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence à l’encontre du chirurgien et de l’anesthésiste qui l’ont opérée. La plainte est classée en 2009.

En juin 2015, la patiente ouvre une première demande en paiement contre les deux médecins et l’hôpital. Ses conclusions sont chiffrées en francs suisses. Le Tribunal de première instance de Genève estime que la patiente aurait dû chiffrer ses conclusions en euros car elle réside en France et que c’est donc en France que le dommage est survenu. Aussi, considérant qu’elle n’est pas titulaire d’une prétention en francs suisse, il rejette son action. Sur appel de la patiente, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève confirme ce jugement dans un arrêt de novembre 2017.

En mars 2018, la patiente introduit une seconde demande en paiement contre les mêmes défendeurs, cette fois-ci en euros. Après avoir limité la procédure à la prescription et l’autorité de chose jugée, le Tribunal de première instance déclare l’action recevable mais la rejette.… Lire la suite

Le prononcé de l’exequatur dans le cadre d’une requête de séquestre

ATF 149 III 224 | TF, 18.01.2023, 5A_428/2022*

Même en l’absence de conclusions spécifiques dans ce sens, la force exécutoire d’un jugement « Lugano » peut être constatée dans le cadre d’une requête de séquestre fondée sur l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP.

Faits

En 2012, le Tribunal de Grande Instance de Colmar (France) condamne notamment un débiteur à s’acquitter d’un montant de EUR 100’000.- envers un créancier. Ce jugement est infirmé par arrêt de la Cour d’appel de Colmar, lui-même partiellement cassé et annulé par un arrêt de 2017 de la Cour de cassation. Celle-ci confirme notamment la condamnation du débiteur à payer un montant de EUR 100’000 et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Nancy (France).

Le 8 juillet 2021, le Tribunal judiciaire de Colmar établit un certificat au sens de l’art. 54 de la Convention de Lugano (« CL »). Le 12 novembre 2021, le créancier requiert le séquestre de la part saisissable de la rémunération du débiteur auprès de son employeur, une société domiciliée dans le canton de Genève, à concurrence de CHF 106’842,87. Il produit notamment le jugement et les arrêts précités ainsi que le certificat au sens de l’art. 54 CL, mais ne prend pas de conclusions formelles en prononcé de l’exequatur.… Lire la suite

« Assurance épidémie » et perte de revenus due à la pandémie de coronavirus

ATF 148 III 57 |  TF, 05.01.2022, 4A_330/2021*

Une assurance couvrant notamment la perte de revenus liée à une épidémie, mais excluant celle liée aux niveaux de pandémie 5 et 6 de l’OMS, n’intègre pas la couverture pour la perte de revenus due à la pandémie de coronavirus (Covid-19). 

Selon le principe de la confiance, une clause d’exclusion de couverture d’assurance ne doit pas être interprétée littéralement, mais plutôt en fonction du contexte et de l’ensemble des circonstances, en particulier de son but. 

Faits

En août 2018, un restaurant dans le canton d’Argovie conclut une « assurance commerce PME », comprenant notamment une assurance mobilière. Cette dernière couvre la perte de revenus et les frais supplémentaires consécutifs à une épidémie.

Dans la rubrique « ne sont pas assurés » et sous le titre « Épidémie » figurent les risques exclus de la couverture en cas d’épidémie. Sont exclus, entre autres, les dommages consécutifs à des agents pathogènes pour lesquels les phases de pandémie 5 ou 6 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont applicables au niveau national ou international.

Suite à la fermeture des restaurants et des bars ordonnée par le Conseil fédéral à compter du 17 mars 2020 et jusqu’à fin avril 2020, le restaurant subit une perte de revenus estimée à CHF 75’397.-.… Lire la suite

L’interprétation d’un ordre de bourse : acheter un call ou cent calls ?

TF, 12.01.2022, 4A_9/2021

L’ordre d’achat d’un instrument financier est une manifestation unilatérale de volonté. Si l’ordre d’un client portant sur une opération complexe est imprécis, la banque n’est pas responsable de sa mauvaise exécution.

Faits

Un conseiller professionnel externe recommande à un client d’acheter 100 options de la société Actelion. Le client se rend auprès de sa banque et demande à l’employé que l’opération se fasse immédiatement. L’employé remplit alors un formulaire interne d’ordre de bourse.

Le formulaire d’ordre de bourse indique, d’une part « 1 contrat de 100 calls » et, d’autre part, « acheter – 100 – call strike 160.- actions Actelion ».

Rappelons ici qu’une option call est un contrat qui donne le droit d’acquérir un sous-jacent, par exemple une action, à un certain prix (strike). Le titulaire de l’option n’est néanmoins pas forcément obligé d’exercer l’option, mais peut en particulier la revendre sur le marché secondaire.

Afin d’exécuter immédiatement l’ordre de bourse, l’employé appelle ses collègues de la salle des marchés en présence du client. Il s’ensuit deux conversations téléphoniques. Lors de celles-ci, le client n’entend que ce que dit l’employé, mais non les réponses de la collègue de la salle des marchés. Les deux employés au téléphone croient comprendre que le client veut acheter un seul call (c’est-à-dire un contrat permettant d’acheter 100 actions) et non cent calls (100 fois 100 options).… Lire la suite

La validité d’une procuration perdurant au-delà de la mort

ATF 147 IV 465 | TF, 27.08.2021, 6B_336/2021*

Le juge qui veut ordonner une confiscation après le classement d’une procédure en raison du décès du prévenu (art. 319 al. 1 let. d CPP) doit, d’emblée, adresser cette décision aux héritiers du défunt. Il est ainsi nécessaire d’établir leur identité en priorité.

Jusqu’à leur identification, le représentant du défunt reste compétent pour sauvegarder leurs intérêts, en vertu de la procuration signée par le défunt de son vivant.

Faits

Des gardes-frontière contrôlent un conducteur de voiture lors de son entrée en Suisse. À cette occasion, ils découvrent un montant de CHF 15’000.00 contaminé par de la cocaïne. Le Ministère public du canton de St-Gall ouvre ainsi une procédure pour soupçon de blanchiment d’argent. Pour défendre ses intérêts, le conducteur mandate une avocate. La procuration signée par le conducteur prévoit que, sous réserve de dispositions procédurales contraires, le mandat ne s’éteint pas au décès du client.

Au cours de la procédure, le conducteur décède. Le Ministère public décide donc de classer la procédure pénale et ordonne la confiscation du montant saisi. Il ne notifie l’ordonnance, sur laquelle figure en tant que seule partie le défunt, qu’au Conseil de celle-ci.

L’avocate recourt contre la confiscation.… Lire la suite