La prolongation du sursis concordataire définitif

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TF, 12.01.2024, 5A_169/2023*

Passé le délai de six mois de l’art. 294 LP, seul le commissaire – à l’exclusion du débiteur et du créancier – peut demander une prolongation du sursis concordataire selon l’art. 295b LP. A défaut de demande, la faillite s’ouvre d’office.

Faits

Le Kantonsgericht d’Appenzell Rhodes-Extérieures constate l’endettement manifeste d’une société. Il suspend la procédure de faillite et accorde un sursis concordataire provisoire d’une durée de quatre mois. La société bénéficie ensuite de deux sursis concordataires définitifs d’une durée de six mois chacun.

À quelques jours de l’expiration du second sursis concordataire, les commissaires en charge du sursis demandent la révocation de ce dernier ainsi que l’ouverture de la faillite. Lors d’une audience du Tribunal de concordat, les organes de la débitrice demandent de prolonger le sursis concordataire. Le Kantonsgericht révoque le sursis concordataire ; sur recours de la société, l’Obergericht confirme le jugement de première instance.

La société forme recours au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la faculté du débiteur à demander la prolongation du sursis concordataire.

Droit

La recourante fait valoir en substance que l’art. 295b LP accorde la possibilité de demander la prolongation du sursis concordataire de 12 mois et dans les cas complexes jusqu’à 24 mois. En l’absence de prolongation de sursis, la faillite s’ouvre d’office (art. 296b par analogie). Or, la disposition n’accorde cette faculté qu’au commissaire du concordat, qui doit en faire la demande ; elle ne mentionne pas le débiteur ou le créancier. De l’avis de la recourante, le silence de la loi constitue une lacune à combler (planwidrige Unvollständigkeit ou inconséquence manifeste) de telle sorte que le débiteur devrait également pouvoir demander une prolongation du sursis. Reste à déterminer s’il s’agit effectivement d’une lacune ou plutôt d’un silence qualifié du législateur.

Le Tribunal fédéral ne s’est jamais prononcé sur la question. Il commence par constater que tant selon la jurisprudence cantonale que selon la doctrine, la faculté de demander une prolongation du sursis appartient au seul commissaire de concordat. Ensuite, il relève que le texte clair de l’art. 295b LP confirme cette conclusion. Le seul moyen de s’en écarter serait de démontrer que tel n’était pas le sens voulu par le législateur ; une telle interprétation devrait s’appuyer sur la genèse, la systématique ou le but de la loi.

L’ancienne disposition qui réglait le sursis concordataire prévoyait déjà une compétence exclusive du commissaire. Lors des débats parlementaires pour introduire la nouvelle disposition, un élu a certes relevé qu’il était incompréhensible que le débiteur et le créancier ne puissent pas demander la prolongation du sursis définitif. Cela étant, cette remarque n’a pas eu d’influence sur la disposition finale, qui a été adoptée sans modification.

Ensuite, le Tribunal fédéral constate que le sursis concordataire adopte un système à plusieurs niveaux. D’abord, le sursis provisoire permet de préparer le sursis définitif, c’est-à-dire d’établir s’il existe des perspectives d’assainissement ou d’homologation d’un concordat (art. 294 LP). Dans un deuxième temps, le sursis définitif intervient pour une période de quatre à six mois ; une prolongation du sursis avant l’écoulement de ce délai a lieu sur la base de l’art. 294 LP. Dans cette configuration, le débiteur a la faculté de demander une prolongation du sursis. En revanche, si le sursis concordataire dure plus de six mois, la procédure change : seul le commissaire a désormais la faculté de prolonger le sursis et l’art. 295b LP s’applique.

Le commissaire agit pour le compte du juge de concordat, dont il est le bras armé. Il ne protège ni les créanciers ni les débiteurs, mais prend en compte les intérêts de toutes les parties. Ainsi, la loi suit une logique en permettant au débiteur ou au créancier de prolonger le sursis en dessous de six mois (art. 294 LP), mais réserve au seul commissaire la compétence de le faire au-delà de ce délai. Ce dernier doit être convaincu des chances d’assainissement ou d’une homologation pour octroyer une prolongation afin de garantir la totalité des intérêts en jeu. Au vu de ces considérations, aucune lacune ne découle du régime de l’art. 295b LP : l’absence de prolongation des commissaires révoque le sursis définitif et ouvre la procédure de faillite d’office.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Arnaud Lambelet, La prolongation du sursis concordataire définitif, in : www.lawinside.ch/1408/